Oscillant entre le respect des structures formelles khaliliennes fondées sur une métrique quantitative rigoureuse et le besoin d’innovation et de création de formes nouvelles, la production poétique contemporaine a réussi à créer une forme nouvelle (La qasida mudawwara) qui est simultanément continuité et rupture avec la métrique « mère ». En effet, de toutes les innovations créatrices de la poésie dite libre depuis son apparition au début des années cinquante jusqu’à nos jours, le tadwīr paraît être celui qui a eu le plus d’impact sur la nature du poème contemporain. Quasiment aucun poème moderne ou contemporain dit libre n’échappe au tadwīr. Pourtant, ce phénomène reste encore relativement peu étudié . Nāzik al-Malā’ika, dans son livre Qaḍāyā al-ši‘r al-mu‘āṣir , a été la première à étudier le tadwīr, mais, prisonnière de la conception traditionnelle du terme, elle a tenté de freiner son évolution, et l’a même purement et simplement interdit. Cette tentative n’a eu aucun succès, puisque cette innovation métrique sera accueillie tôt et favorablement par un nombre important de poètes connus, comme Ḫalīl Ḫurī, Yūsif al-Ḫāl, Adonis et Maḥmūd Darwīš. Si, à ses débuts, les premières expérimentations en matière de tadwīr restèrent occasionnelles se limitant à un seul pied reliant métriquement deux vers, l’expérience va se développer relativement vite pour englober le poème tout entier, entraînant un changement considérable de la nature du vers, jusqu’à dépasser le cadre métrique et obtenir ce qu’on peut appeler aujourd’hui la qaṣīda mudawwara. Mais avant de montrer la nature de cette nouvelle composition poétique, il convient auparavant d’apporter quelques précisions d’ordre terminologique et historique.