Quid de l’intégration par la culture organisationnelle quand l’organisation du travailleur créatif, souvent indépendant, n’existe pas à proprement parler ? Notre hypothèse est qu’il faut ici réinvestir le lieu géographique de travail (en tant qu’espace et place) pour le comprendre comme une forme d’organisation spécifique à laquelle se sent appartenir la plupart des travailleurs créatifs. La question devient alors : comment définir un lieu ? Ou encore quelles sont les caractéristiques d’un lieu qui participent de l’intégration-implication au travail, de la production de sens et d’un sentiment d’humanité pour ces travailleurs spécifiques (Menger, 2005) ? Croisant la littérature récente en géographie sociale (Massey, 1991, 2005) sur la « lieuité » avec la littérature sur la socialisation organisationnelle, nous tenterons de questionner les raisons de l’ancrage « lieuitaire » dans un cas concret : celui des artistes et professions créatrices (architectes, designers web, agences de publicité, communication, etc.) du quartier des Olivettes à Nantes, un des lieux désignés comme un « cluster créatif » par les responsables politiques de la métropole nantaise. L’analyse par classification descendante hiérarchique des discours tirés de 32 entrevues semi-directives avec les travailleurs créatifs de ce quartier fournit un éclairage sur ce lien au lieu en révélant deux séries de propriétés lieuitaires (identité, familiarité, vitalité, quotidienneté, et centralité, connectivité et sérendipité) porteuses d’intégration organisationnelle. Le lieu peut alors être questionné comme forme d’organisation spécifique réductrice d’incertitude et d’instabilité.