Pendant longtemps l’étude de Concorde demeure la chasse gardée des passionnés d’aéronautique : pilotes, ingénieurs, militaires ou journalistes spécialisés. Ainsi, plus de cent livres, dont la moitié en français, retracent l’histoire du supersonique. Ceux d’André Turcat , de Jean Pinet et d’Henri Ziegler constituent de véritables témoignages. Plusieurs géographes , et de rares sociologues ou économistes, abordent plus globalement le supersonique franco-anglais, mais l’écho de leurs recherches demeure limité car le sujet reste brûlant jusqu’au retrait de l’appareil en 2003. En effet, le contexte de naissance et de développement du projet Concorde, marqué par la guerre froide et les Trente Glorieuses, apparaît comme l’un des plus complexes à maîtriser. La subjectivité des jugements l’emporte pendant longtemps sur la raison et l’historien qui préfère souvent attendre longtemps avant de parler librement d’un événement reste pratiquement exclu de l’écriture de cette histoire. Toutefois, depuis quelques années, les circonstances de rédaction deviennent plus favorables, en particulier grâce à André Turcat qui a eu le formidable réflexe d’accumuler une grande quantité d’archives d’origines très diverses et de les rendre accessible au public, après son décès, en les déposant aux archives départementales de la Haute-Garonne. Cet article s’appuie en grande partie sur ce fonds composé de 69 cartons. Nous reviendrons dans un premier temps sur les mythes qui entourent le « Bel oiseau » et ses concurrents, avant de nous pencher sur les progrès techniques qu’il représente et le désastre commercial qu’il subit, enfin, nous évoquerons l’incroyable construction mémorielle qui entoure ce premier, et pratiquement unique, supersonique civil que beaucoup rêvent de voir renaître de ses cendres.