Les stratégies institutionnelles, aux niveaux national et international, associent largement le recours aux outils numériques avec le développement de compétences en matière de recherche et de traitement de l’information, de production de contenus et de créativité, de travaux collectifs et de collaboration. Ces politiques visent à correspondre aux usages sociaux, des jeunes en particulier. Leur mise en œuvre repose idéalement sur la formation spécifique des personnes, enseignants et élèves, la mise à disposition d’équipements et d’infrastructures, et sur des approches pédagogiques par projet. Notre propos n’est pas de décrire en tant que telle la réalité des pratiques de terrain mais bien de mettre en lumière les représentations que ces exigences reflètent, ainsi que les décalages et les contradictions avec les moyens concrets de réalisation. Nous nous appuierons pour ce faire sur l’étude d’un établissement scolaire pilote, réunissant a priori des conditions idéales. Nos résultats permettront de reconsidérer la place réelle des outils et ressources numériques comme partagée avec les autres supports d’accès et de production de connaissance, les difficultés liées à la prolongation des apprentissages et des organisations collectives en dehors des temps formels d’apprentissage, la paradoxale cohabitation entre outils et ressources institutionnelles, ou reconnues par l’institution scolaire, et outils grands publics (GAFAM) omniprésents. Ainsi, outre les freins habituellement énoncés à « l’appropriation du numérique » en milieu éducatif par les enseignants, à savoir difficultés liées à l’équipement ou à la formation des personnels par exemple, notre point de vue sera celui des petits arrangements quotidiens avec « l’expertise » (ce qu’il faut enseigner et ce que l’on peut effectivement réaliser) et avec le marché (entre éthique professionnelle et logiques d’efficacité).