Les listes constituent une forme d’écriture très présente dans les textes du Moyen Âge quels que soient leur nature et leur genre. Cette forme syntaxique, graphique et sémantique singulière a été l’objet d’une enquête collective menée dans le cadre d’un projet interdisciplinaire de recherche intitulé le « POuvoir des LIstes au Moyen Âge », qui a bénéficié du soutien de l’ANR. Trois volumes collectifs rassemblent les études de cas issus des ateliers organisés dans le cadre de ce programme. Respectivement intitulés Écritures de la liste, Listes d’objets / listes de personnes et Listes, temps et espaces, ils explorent les usages sociaux de cette forme d’écriture dotée de pouvoirs pragmatiques, poétiques et cognitifs. Ce premier volume propose une approche matérielle de la liste qui vise à saisir la liste dans le rapport que son écriture construit avec le support ainsi qu’avec les lieux démultipliés de son installation (pages, livres, murs, monuments, reliquaires, objets du quotidien, etc.). Ces singularités documentaires, liées à des procédures ou à des jeux de dénombrement, permettent de rendre compte de l’abondance des listes dans les productions écrites du Moyen Âge et d’interroger ce que les différentes « scènes sociales » du Moyen Âge font de cet opérateur matériel et cognitif qui produit savoir et agency. Au cours de cette période, les listes et les formes de pensée qu’elles engendrent se transforment sous l’effet de l’apparition de nouveaux enjeux de dénombrement et de catégorisation. À l’arrière-plan des cas étudiés percent ainsi la transformation grégorienne de l’Occident, la formation du savoir scolastique, ainsi que l’essor des rationalités pratiques.