Si elle n'est pas spécifique aux travaux sur le religieux, la focalisation normative sur la question de l'émancipation est particulièrement obsédante dans ce domaine, où elle aboutit à une opposition binaire entre travaux mettant l'accent sur la domination, et travaux centrés sur l'agency individuelle. Or dans le cas du judaïsme, le langage de l'émancipation a joué un rôle historique ambigu : les discours sur l'« émancipation » juive associaient octroi d'en haut de l'égalité des droits et injonction à l'assimilation et à la dilution des collectifs juifs. Ce langage tend en effet à reproduire une injonction intériorisée à l'individualisation, qui ne reflète pas toujours le souhait des personnes concernées, et qui surtout ne modifie pas nécessairement les rapports de pouvoir. En s'appuyant sur le cas des féminismes religieux, notamment dans le contexte juif, cette intervention plaide pour une plus forte prise en compte des facteurs collectifs et organisationnels dans l'analyse des trajectoires.