Depuis la révolution né»olithique, la campagne des paysans nourrit la société et en particulier la ville. Cet accord est en crise aujourd’hui dans un contexte d’urbanisation du monde. Les energies renouvelables (EnR) peuvent contribuer à retisser des liens solides. La légitimité des agriculteurs tient, dans la France de l’Ouest au moins, sur trois piliers : leur contribution à une culture alimentaire solide (la « bonne bouffe »), leur contribution aux paysages diversifiés de campagnes devenues résidentielles, leur capacité à assurer un voisinage de qualité. Les EnR ce n’est pas nouveau, les paysans ont toujours vendu du bois, de l’huile pour les lampes et fourni des chevaux avant l’hégémonie automobile. Comme pour l’alimentation les agriculteurs peuvent défendre un rapport très spécifique à la nature. D’une part ils « l’exploitent », d’autre part ils sont d’excellents médiateurs entre la population urbaine et la terre. Et tout comme en matière alimentaire il est nécessaire de réfléchir à la qualité de la relation qui se noue autour des EnR, pour que la « mal-chauffe » ne fasse pas suite à la « mal-bouffe ». Il faut pour cela que les EnR enrichissent la multifonctionnalité de l’agriculture sans venir en concurrence avec la production alimentaire ni abuser des ressources naturelles. L’urbanisation des campagnes s’est d’abord traduite par un mouvement massif de modernisation, qui a peu à peu éloigné les citoyens des agriculteurs. Dans un second temps la crise de l’urbain l’amène à dresser le procès de cette modernisation, au sein de laquelle l’agriculture industrielle est emblématique. Les EnR sont une belle occasion de retisser des liens en rapprochant l’action agricole et l’action territoriale. Cela suppose que les agriculteurs s’investissent dans les projets de territoire portés par les collectivités, et que des acteurs non agricoles (y compris des citoyens critiques du mode de production agro-industriel) soient inclus dans les projets portés par les organisations agricoles. Cela suppose aussi d’articuler toutes les échelles car si les EnR leur permettent de contribuer à l’atténuation du changement climatique au niveau mondial, les agriculteurs ont besoin d’une régulation des marchés et non d’être abandonnées aux spéculations. A l’échelle des régions ou des départements, une coordination (réseaux, ressources) est nécessaire et elle peut être mobilisatrice. A l’échelle des bassins de vie et des EPCI, les EnR permettent de construire des solidarités, des coopérations, des échanges d’expérience et de point de vue entre les mondes agricoles, les collectivités et la société civile. A l’échelle du voisinage d’une exploitation agricole, contribuer à l’autonomie énergétique du territoire peut être un motif de reconnaissance et amener les habitants à mieux percevoir les enjeux de la production.