Ce livre propose une étude de la figuration du silence dans les images médiévales et, plus généralement, une approche des liens intellectuels et formels entre silence et arts visuels. Certes, toutes les images de l’art ancien sont silencieuses et résistent aujourd’hui à une phénoménologie sonore : elles ne produisent aucun son même quand elles ont cherché à représenter le tumulte, le fracas, le bruit assourdissant. En partant des figurations explicites du silence qui suit l’ouverture du septième sceau dans l’Apocalypse de Jean et sa mise en image dans les manuscrits du Commentaire de Beatus, l’étude envisage les différents recours visuels déployés par les artistes médiévaux dans la peinture, l’enluminure et la sculpture pour signifier l’absence de son ou de bruit, pour donner à voir une parole empêchée ou tue. Elle montre que le lien entre le silence et l’histoire des formes repose très largement au Moyen Âge sur l’interprétation augustinienne de cette notion en tant que procédé rhétorique, et en ce qu’elle permet l’accès à la figuration, à la mise en forme imagée de la connaissance de Dieu. L’expression parfaite de l’infinité de Dieu n’est qu’expérience intérieure de silence et de lumière, deux images de l’harmonie céleste et de son reflet microcosmique dans le cœur de l’orant. Le silence devient alors signe de l’imprononçable et c’est à ce titre qu’il est représenté dans les images médiévales. Le silence devient objet visuel parce qu’il met en voir une limite du langage articulé face à l’infinité du mystère de Dieu.