Cette étude exploratoire, qui s’inscrit dans un travail doctoral, a pour but de comprendre 1) comment des apprentis enseignants (désormais AE) de langue étrangère en formation construisent et émettent des rétroactions multimodales sur une plateforme d’enseignement en ligne et 2) comment celles-ci sont reçues par leurs apprenants. Plus fondamentalement, la question à laquelle nous tenterons de répondre est la suivante : y a-t-il corrélation entre la combinaison de modes sémiotiques (textuel, oral, visuel) dans l’émission de la rétroaction, son parcours et sa réception ?Notre recherche s’inscrit dans le domaine de la didactique des langues, en particulier sur les travaux sur le feedback correctif de Doughty & Long (2003) et Mangenot & Zourou (2007). Elle a pour but d’analyser la rétroaction corrective au sein d’un dispositif d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère en ligne. Cette situation renouvelle les questionnements anciens sur l’enseignement des langues et en particulier sur l’uptake (Lyster & Ranta, 1997).Notre étude s’appuie sur un système de formation hybride, conjuguant des modalités d’interventions pédagogiques synchrones et asynchrones (Dejean-Thircuir, Guichon & Nicolaev, 2010).Pendant un semestre, entre septembre et décembre 2013, 12 apprentis enseignants de français langue étrangère (dorénavant FLE) de Lyon 2 et 19 étudiants de niveau B1/B2 de l’université de Dublin ont interagi sur une plateforme de cours chaque semaine. Ils ont pu échanger à l’oral autour d’activités et documents déclencheurs. Puis, les AE avaient la possibilité de revoir les séances enregistrées – par le biais d’un salon de rétrospection – afin de fabriquer des bilans multimodaux (Rivière & Guichon, 2014). Ces bilans asynchrones leur ont permis de faire un retour aux apprenants sur des moments précis de l’interaction et ce, en conjuguant des supports audio-visuels, oraux et écrits.C’est par l’étude de la temporalité et de la spatialité des traces de la rétroaction (Bétrancourt, Guichon & Prié, 2011) conservées sur la plateforme que l’on cherchera à évaluer ce qui constitue les qualités d’un bilan multimodal asynchrone. Nous chercherons à comprendre quel mode ou combinaison de modes est le plus employé par les AE pour faire un retour à leurs apprenants. En particulier, nous tenterons de déterminer si une combinaison particulière participerait de manière plus favorable à l’éveil de la conscience métalinguistique (Dabène & Ingelmann, 1996) de ces derniers.Nous étudierons ainsi les traces de la rétroaction dans différents espaces (sur la plateforme ou dans les échanges hors plateforme) et dans le temps (de manière synchrone ou asynchrone). Plus précisément, nous analyserons des données diverses (des interactions, des bilans multimodaux, des discours sollicités) et nous fournirons quelques éléments de compréhension pour déterminer comment la rétroaction a été perçue par les apprenants. Pour ce faire, nous avons constitué un corpus composé de deux types de données :(1) Tout d’abord des données primaires qui comprennent les traces des rétroactions directement observées pendant les interactions synchrones et asynchrones ayant eu lieu entre les AE et les apprenants, à savoir :- 47 séances synchrones d’environ 45 min enregistrées dans le salon de rétrospection.- 60 bilans multimodaux asynchrones construits sur la plateforme par les AE et envoyés à leur(s) apprenant(s) entre chaque séance.- des échanges hors plateforme (mails/Facebook) entre les AE et les apprenants.(2) Des discours provoqués, c'est-à-dire :- 24 bilans décrits par les 12 AE lors des entretiens en auto-confrontation. Chaque AE explicitant les critères de construction de deux de ses bilans.- 4 interviews semi-dirigées des apprenants dublinois pendant lesquelles ils ont explicité leur réception des deux mêmes bilans décrits par leur AE. Soit un ensemble de 8 bilans commentés.Ces dernières données correspondent aux discours sur l’action des AE (Cicurel, 2014). Ils nous permettent de comprendre 1) les intentions pédagogiques des AE lors de la construction et de l’émission des rétroactions multimodales et 2) leur degré de réception par les apprenants. Ces données ont été recueillies à la fin du cours.En première analyse, nous nous concentrerons sur une partie du corpus, c’est à dire les bilans qui ont été commentés à la fois par les apprenants et les enseignants ainsi que sur les interactions dont ils sont issus et ce afin de procéder à une triangulation des informations obtenues. Nous nous focaliserons donc, dans un premier temps, sur l’étude de 16 interactions synchrones enregistrées sur la plateforme, des 8 bilans asynchrones construits autour de ces interactions ainsi que des discours collectés sur leur émission et leur réception afin de déterminer (1) quelle combinaison sémio-pédagogique dans l’émission de la rétroaction et (2) quel agencement temporel paraissent les plus propices à l’apprentissage en ligne.