En proposant ce thème, j'envisageais une suite de dossiers concernant les communautés religieuses censées porter un resserrement de la pratique bénédictine, dont le plein épanouissement et l'expression architecturale sont généralement bien postérieurs à l'époque héroïque de leurs fondateurs. La place des fontevristes peut-elle être estimée par rapport à celle des cisterciens, grandmontains, tironiens, caduniens, prémontrés, chartreux ? Avant d'aligner les exemples, ne convient-il pas de s'interroger sur le concept même « d'archi­tecture d'austérité »? Outre que cette notion aurait rendu perplexes les contemporains, son principal défaut est de recouvrir des réalités et des causalités assez diverses, que l'on retrouve aujourd'hui dans les interrogations des historiens. Car il ne faut pas confondre simplicité des moyens et simplicité de l'expression, ou encore pauvreté proclamée et modestie imposée. On sait que les cisterciens se sont livrés à une forme de tromperie en payant fort cher les apparences de la sévérité. Pas de jugement de valeur ici : n'ont-ils pas engagé un pari sur l'avenir, aux fondations spirituelles subtiles? D'autres ont construit de façon minimaliste. Même dans ce cas, est-ce vraiment par défaut, parce que les moyens manquaient, ou pour exprimer le principe de hiérarchie que nécessite l'intégration dans l'Église? Dans les petits oratoires associés à des domaines de peu d'ampleur, d'une architecture sommaire, on a pu choisir ou non des programmes décoratifs de luxe. Enfin, la « sobriété ostentatoire » (Stutzmann, 2009) n'est-elle pas aussi une question de mode, « d'air du temps » ? Cette dernière hypothèse invite à se soucier tout particulièrement de la chronologie et de la succession des générations : on mesurera la différence entre les groupes ayant construit assez tôt dans le XIIe siècle et ceux, plus nombreux, qui ont connu leur apogée artistique autour de 1200 ou peu après.