Malgré sa présence récurrente tout au long des vingt-six branches du Roman de Renart, la figure de Grimbert le blaireau été très peu étudiée jusqu’à nos jours. Promu au rang de cousin germain de Renart dès la composition des branches originelles de la geste renardienne, le personnage de Grimbert est le meilleur défenseur de Renart à la cour de Noble, quand bien même ce lien de parenté soit des plus pesant. Face aux multiples exactions de son turbulent cousin, Grimbert passe son temps à plaider sa cause à la cour du roi Noble, s’opposant aux ennemis de Renart et parfois même au lion, qui en a d’ailleurs pleinement conscience. En réalité, peu de personnes se sont véritablement intéressées à ce curieux lien de parenté unissant par les bienfaits du « cousinage » deux animaux qui n’appartiennent pas à la même espèce. Cet apparentement n’a rien de logique, particulièrement si l’on se réfère aux théories encyclopédistes et homilétiques du début du XIIe siècle où le blaireau et le renard sont présentés comme étant des ennemis privilégiés. Dès lors, comment analyser le renversement rencontré dans le Roman de Renart où les deux animaux s’y voient réunis dans une relation de parenté et d’amitié ? Si la prise en compte de données zoologiques est certaine, la double influence de la renardie et du symbolisme est également à considérer. Ainsi, malgré un altruisme de façade, les actions de Grimbert à l’égard de Renart sont loin d’être désintéressées, le blaireau apparaissant aussi fourbe que son cousin. De plus, sur le plan symbolique, Grimbert est introduit comme un personnage féru de procédure juridique ; or, quand nous connaissons la complexité procédurale à cette époque, il paraît certain que seul un blaireau, grâce à son étonnante efficacité de creusement et d’évitement, peut sortir victorieux des méandres de la justice. Compris ainsi, le choix de l’espèce animale de Grimbert constituerait déjà en lui-même un signifiant allégorique.