Trois méthodes d’enquête sont mobilisés ici pour étudier les résistances au développement de l’éolien en Nouvelle Aquitaine : une analyse des contenus sur internet, une enquête qualitative auprès d’acteurs locaux et un questionnaire d’opinion. L’analyse de ces données est cohérente en plusieurs points. Presque tous les acteurs engagés dans les débats publics ont développé des arguments d’experts. Cela peut se répartir entre une expertise réglementaire (élus locaux, associations militantes), une expertise liée à l’efficacité technique et économique (ingénieurs, gestionnaires de projets éoliens locaux, commentaires sur internet notamment de personnes attirées par la technique et l’informatique), et une expertise liée aux enjeux de proximité de tels projets, par exemple les nuisances perçues et la connaissance des contraintes locales (riverains, associations militantes, élus et gestionnaires locaux des projets éoliens). Les argumentaires qui prennent une place croissante et qui n’étaient pas identifiés aussi nettement dans la littérature académique sont ceux liés à la perception de l’environnement proche. De futures études de l’environnement local, en particulier dans sa dimension visuelle, de son lien avec le tourisme et le développement de labels agricoles et environnementaux sont donc primordiales. Notre étude détaille pour sa part la manière dont l’environnement local devient source d’arguments nourrissant les débats liés à l’implantation de projets éoliens. Cela intervient généralement à deux grands niveaux. Premièrement, notre enquête qualitative -qui va au plus près des acteurs de terrain- montre le lien avec la décentralisation de la gestion de tels projets, qui engagent les élus locaux et les gestionnaires de projets dans des concertations avec les riverains et les associations locales. Deuxièmement, un phénomène supplémentaire renforce l’exploitation de discours sur « le local ». Nos deux autres enquêtes le montrent, l’analyse des contenus sur internet, et notamment des commentaires de réseaux socionumériques, ainsi que notre questionnaire d’opinion. Les enjeux locaux deviennent parties intégrantes de l’opinion de sens commun de tout un chacun. Paradoxalement, la conscience d’enjeux « locaux » ne permet qu’à de rares personnes de trancher en faveur d’une technologie de production énergétique, ils accentuent donc plutôt l’incertitude dans les débats grands-publics. L’émergence dans les débats de la thématique du « local » a deux effets. D’une part, celui de se juxtaposer aux thèmes de l’efficacité énergétique et économique, ajoutant un niveau de complexité et d’incertitude à la controverse locale. D’autre part, dans tous les cercles sociaux, y compris sur internet un peu partout sur des plateformes en ligne grand public, émergent des débats controversés au sujet de la perception des nuisances/avantages liés à l’implantation d’éolien à proximité de chez soi. La potentialité d’une installation en bas de chez soi paraît plus tangible. L’évocation du « local » semble devenir l’affaire de tous. Internet a tendance à encourager le changement d’échelle de ces discours sur « le local », compliquant encore un peu plus la tâche aux acteurs locaux qui ne s’appuient pas sur des compétences en communication numérique, notamment pour organiser des veilles informationnelles systématiques sur ce qui se dit en ligne et en particulier sur les réseaux socionumériques.