Le regard transdisciplinaire porté dans cette synthèse nous permettra de voir que la diversité du vocabulaire et des réponses à ces questions laissées à ce stade en suspens montre à quel point l’imaginaire collectif est à l’œuvre dans la façon de définir et d’appréhender le phénomène des invasions par les plantes. L’écriture des plantes invasives semble en effet s’appuyer sur différents récits, qui transparaissent dans le vocabulaire employé, dans les hypothèses et liens de causalité formulés, dans les indicateurs, feuilles de route et traitements de la question. Ce sont ces récits que nous chercherons à dévoiler ici, tout en montrant qu'ils représentent des ensembles dynamiques de représentations qui façonnent une vision collective du monde, dépassant les frontières disciplinaires. Nous verrons ainsi que les différentes contributions révèlent les liens forts entre la production culturelle, politique ou artistique de récits et les développements scientifiques – des liens qui ne sont pas à sens unique. D’une part, la production de récits oriente ou imprègne le regard scientifique sur les plantes dites « invasives », et d’autre part les contributions scientifiques novatrices inspirent de nouveaux récits pour repenser notre rapport au vivant habituellement désigné comme « exotique », « invasif », « envahissant » ou « colonisateur ». Notre revue de la littérature collective permet de mettre en balance deux grands types de récits et points de vue scientifiques sur ce phénomène des plantes invasives. Nous avons en effet identifié et distingué : 1) les récits qui nous amènent à lutter contre les plantes invasives et 2) les récits qui nous amènent à les accepter ou à les considérer sous un autre angle. Les imaginaires bien distincts à l’œuvre dans ces deux récits doivent être perçus pour saisir à quel point ils influencent nos choix collectifs et la trajectoire de nos sociétés.