Les chercheurs en sciences sociales soulignent régulièrement la difficulté qu'ils éprouvent à conduire des enquêtes de terrain dans l'industrie nucléaire (Bourrier, 2010 ; Fournier 2012 ; Thébaud-Mony, 2014). Ils se trouvent souvent face à l'alternative inconfortable suivante : soit ils choisissent de rester aux portes des organisations étudiées pour échapper au risque de perte d'indépendance du chercheur, mais prennent alors le risque de ne pouvoir accéder à certaines données de terrain ; soit ils entrent de plain-pied dans les organisations au risque d'être influencés, voire manipulés, par les acteurs de ces organisations et s'exposent alors à la contestation des résultats de recherche par la communauté académique. L'enjeu est donc de trouver la bonne distance au terrain, entre proximité et recul critique. Cette contribution propose d'analyser un dispositif de recherche original qui vise précisément à combiner la proximité nécessaire aux enquêtes de terrains et le recul critique nécessaire au processus de production de connaissances valides : il s'agit de la chaire RESOH portée par l'Institut Mines Télécom de Nantes (IMT Atlantique). Après avoir présenté les objectifs de ce dispositif de recherche, nous en décrivons l'organisation et le fonctionnement concret. Enfin, nous en présentons les outputs et discutons les principaux facteurs de succès et les limites d'un tel dispositif. L'originalité du dispositif de recherche présenté tient au fait que la gestion de la tension entre proximité et distance critique repose pour partie sur l'articulation de deux composantes : un "dispositif d'enquête" de terrain et un "espace de discussion" entre partenaires industriels et chercheurs.