Cette communication s'attache à réinscrire le Musée juif de Berlin, ouvert en septembre 2001, dans le cadre des échanges ayant eu lieu entre son architecte Daniel Libeskind et le philosophe Jacques Derrida, dont la rencontre eut lieu en 1991 à Chicago lors du colloque international "Das Unheimliche: Philosophy. Architecture. The City". Espace hanté par l'absence d'un peuple disparu suite à l'Holocauste, le Musée juif est paradoxalement le lieu de son retour, de sa convocation. Entre la disparition et le rappel, ce musée est donc une forme spatiale rendant visible l’invisible afin de se remémorer ce qui ne doit pas être oublié. Or, comment matérialiser concrètement cette aporie de l'absence et de la présence ? Il s'agit ici d'analyser le rôle joué par la ville de Berlin dans le projet de Libeskind. Vidée matériellement, physiquement et humainement de la population juive, celle-ci apparaît comme un territoire de la disparition et de l'absence dont les noms des habitant.e.s ne peuvent néanmoins être effacés. Vide du territoire transposé en vide du musée qu'il s'agit alors d'habiter autant qu'hanter afin, dans la perspective de Derrida, de fonder un "vivre-ensemble". Finalement, à partir de la dichotomie du visible et de l'invisible constitutive du Musée juif, cette communication ouvre à une réflexion sur l'absence à un triple niveau : architectural, géographique et philosophique, soit dans leur réunification, au niveau existentiel.