La présence d’un monument aux morts dédié aux victimes de la Première Guerre mondiale dans un quartier périphérique de Lyon n’aurait rien de surprenant si celui-ci ne comportait pas une particularité qui le lie de façon indissociable à l’histoire de la colonisation française en Algérie : le monument a été ramené d’Oran pour être placé dans un quartier de grands ensembles de l’agglomération. Créé par le sculpteur Albert Pommier (1880-1943) et inauguré par le gouverneur général de l’Algérie, Maurice Violette, le 26 mai 1927 dans la ville d’Oran, le monument ou du moins, sa partie supérieure, a, en effet, été amené à Lyon par bateau en 1967. Son socle est resté en Algérie, tandis que la statue, pourvue d’un nouveau piédestal, mais aussi de nouveaux récits sur la guerre d’indépendance algérienne, prenait place dans un quartier en pleine transformation. Retracer son histoire à travers les discours qu’il porte, mais aussi ses usages, révèle différents aspects de la mémoire coloniale et postcoloniale. Trois moments peuvent être distingués : le premier renvoie au temps de l’Algérie française et la nécessité d’une Union sacrée qui ne remette pas en question l’ordre colonial ; le second se déroule entre son transfert à Lyon, la reconfiguration du socle resté à Oran et son insertion dans le quartier de La Duchère ; le troisième peut être appréhendé à travers sa signification actuelle et son ancrage dans le quartier.