La thématique de la prévention des risques industriels majeurs (RIM) n’est pas neuve. Elle a connu de nombreux développements dans diverses disciplines : ergonomie, sciences politiques, droit, gestion, géographie. Notre approche est singulière à plusieurs titres : tout d’abord, elle s’est concentrée, notamment dans cet ouvrage, sur des entreprises de chimie de spécialité, secteur productif hétérogène, peu décrit dans la littérature ; ensuite, nous abordons la « fabrique de la prévention des RIM » de l’intérieur, et non pas à partir de la technique seule, comme le font les ingénieurs, de l’action publique ou du territoire, comme peuvent le faire des politistes ou des géographes ; de plus, l’enquête ethnographique longue sur le terrain est attentive aux activités de travail et aux interactions entre de nombreux acteurs internes à différents niveaux de ces entreprises, mais aussi avec des acteurs externes, dont l’action est vue à partir de l’interne ; enfin, nous « pensons par cas », c’est-à-dire que chacun des 5 cas est étudié de manière extensive. De l’examen et de l’analyse de ces cas émergent des éclairages empiriques et questionnements transversaux sur les questions de sécurité industrielle et de risques technologiques. Cela nous permet alors de réfléchir aux choix d’organisations, par exemple à la place et au fonctionnement du service sécurité, au rôle attribué à différents acteurs, comme les représentants du personnel, à la manière dont sont externalisées certaines fonctions. Ces analyses permettent de mobiliser et d’interroger les travaux sociologiques qui se sont intéressés à la haute-fiabilité organisationnelle ou à des phénomènes comme la normalisation de la déviance dans les univers à risque. L’ouvrage n’est donc pas une étude de cas, mais une approche au plus près du terrain de la thématique de la sécurité dont nous appréhendons la complexité à la fois sociale et technique grâce au travail de recherche de long terme que nous menons depuis 2004 dans ces types d’organisation à risques.