L’Introduction et Rondo Capriccioso, composé en 1863, n’est pas la première œuvre que Camille Saint-Saëns dédie à Pablo de Sarasate : en 1859, le violoniste espagnol âgé seulement de 14 ans mais connu dans toute la sphère musicale française avait déjà commandé un concerto au compositeur (opus 20). Quatre ans plus tard, le Saint-Saëns réitère spontanément l’expérience en lui dédiant une seconde pièce pour violon et orchestre. Si la première ne comporte pas de référence à la musique hispanique, il n’en est pas de même pour L’Introduction et Rondo Capriccioso : ornements légers, trilles endiablés, ostinatos rythmiques dansants et allusion au mode de mi évoquent immédiatement l’Espagne dans l’imaginaire collectif français du milieu du XIXe siècle et rendent hommage au dédicataire. Camille Saint-Saëns, plus connu par la suite pour ses allusions musicales à l’Orient, et plus particulièrement à l’Algérie où il possédait une résidence secondaire, expérimente pour la première fois l’exotisme musical dans son Introduction et Rondo Capriccioso. Contrapuntiste rigoureux attaché aux formes anciennes, il doit renoncer à plusieurs de ses habitudes compositionnelles au profit de cette nouvelle exigence. Plusieurs marqueurs stylistiques du jeune compositeur de vingt-huit ans perdurent toutefois : la conception formelle et thématique encore très classique, l’harmonie raffinée, parfois surprenante, et le lyrisme vocal transféré aux instruments restent le centre du langage musical de la pièce. Au-delà de l’analyse de cette pièce, il est intéressant d’observer la cohabitation d’un style prétendument espagnol avec le style français du XIXe siècle et une recherche de virtuosité visant à faire briller le plus grand violoniste français du moment : fusion harmonieuse vers un nouveau langage plus riche ou dissonance stylistique ? La réception de cette œuvre est aussi au cœur du sujet : composée en 1863, à une époque où le jeune compositeur commence juste à sortir de l’ombre, et créée quatre ans plus tard, cette « diablerie funambulesque » - selon Jean Gallois, compte aujourd’hui parmi les pages les plus célèbres du compositeur.