Objectif du procès, la révélation de la vérité justifie-t-elle tous les moyens, notamment les preuves acquises de manière déloyale ? Si cette question n'est pas propre au droit du travail, les rapports de force et l'inégalité d'accès à certains éléments de preuve entre l'employeur et les salariés la rende particulièrement aiguë. Au-delà des spécificités propres à chaque branche du droit, la Cour de cassation semble être à la recherche d'une boussole commune. Aussi, à la suite d'un renvoi de la chambre sociale (Soc. 1er févr. 2023, n° 20-20.648), l'assemblée plénière de la Cour de cassation devrait bientôt s'exprimer. Dans l'attente de ces décisions, il convient de s'interroger sur les articulations possibles entre le droit à la preuve et le principe de loyauté de la preuve. La question a été soumise à trois contributeurs : Patrice Adam, professeur à l'Université de Lorraine, spécialisé en droit du travail, Cindy Lhomond, doctorante à l'Université Lumière Lyon 2 qui consacre son travail de thèse au droit à la preuve, et à Géraldine Vial, maîtresse de conférences à la faculté de droit de l'Université Grenoble Alpes dont les recherches portent sur le droit de la preuve. Les trois auteurs partagent un constat : la vigueur du droit à la preuve tend à fragiliser les principes qui lui font face, notamment celui de loyauté de la preuve. Géraldine Vial, en appelle à une conciliation, fondée sur l'exigence de proportionnalité. Toutefois, cette conciliation requiert, au préalable, de lever les confusions liées à la place occupée par un troisième élément, à savoir le droit à la vie privée. Cindy Lhomond pointe les dangers de l'affaiblissement du principe de loyauté de la preuve, notamment en raison de son possible caractère symétrique, indifférent à ce que la loyauté soit le fait de l'employeur ou du salarié. Si la preuve déloyale devait être admise, ce n'est qu'avec une grande parcimonie, guidée par une mise en oeuvre exigeante du principe de proportionnalité. Pour sa part, Patrice Adam alerte sur les dégâts créés par le « maelström du droit à la preuve » : l'affaiblissement de la loyauté ne porte pas simplement atteinte aux intérêts privés. C'est la crédibilité même de la justice qui est jeu.