Le congrès de Musique arabe du Caire (CMAC), qui s'était tenu en 1932 dans la capitale égyptienne, a déjà fait couler beaucoup d'encre. Il fut notamment l’objet d’un mémoire de maîtrise de Bernard Moussali en 1980, ainsi que d’un colloque qui se tint lui aussi au Caire en 1989, à l’initiative de Schéhérazade Qassim Hassan et du CEDEJ. Pourquoi y revenir aujourd'hui ? Ce fut d’abord le premier congrès international d’une telle ampleur sur une musique non européenne. Sous diverses formes, ce Congrès consacre l’invention (ou du moins la ré-invention à l’époque moderne) du concept de « musique arabe » à travers une arabisation assumée de la musique ottomane et une modernisation qui reste ambivalente. Le travail de Bernard Moussali montre plusieurs trajectoires d’acteurs, des musiciens, des théoriciens ou des amateurs éclairés, des mécènes, dont certains personnages clefs de ces évolutions, comme le baron Rodolphe d’Erlanger, le musicien ‘Alî- al-Darwîsh, le compositeur Dâûd Hosnî, les musicologues Alexandre Chalfoun et Mahmûd al-Hifnî. Reliées entre elles, ces données suscitent de nouvelles interrogations sur les relations entre musique et nationalisme arabe, sur l’acculturation et sur l’apport de la musique aux constructions identitaires contemporaines, avec une capacité plus ou moins grande à inclure les minorités ; sur le monopole des compositeurs et musiciens égyptiens exercé sur la « musique arabe », les relations entre musique profane et religieuse, etc… Les 180 disques 78 tours enregistrés à cette occasion représentent un enjeu de connaissance qui devra être pris en compte prochainement, afin que ces archives sonores puissent être mises à la disposition du public. Dans le cadre de l’édition prochaine d'un ouvrage posthume de Bernard Moussali sur le Congrès, qui sera principalement historiographique, il s’agira de faire une nouvelle évaluation de cet événement qui fut capital pour la musique, et pas seulement du point de vue arabo-musulman.