En plus d’un demi-siècle d’existence, la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne a été confrontée à de nombreux obstacles. Cependant, très peu ont été à l’échelle de la pandémie de Covid-19, qui a révélé des difficultés insoupçonnées. La présente chronique tente d’analyser les solutions mises en place face à ces difficultés. Les mesures sont frappées au sceau de l’ambivalence, entre restriction de la liberté de circulation et organisation du rétablissement de la libre circulation. Ainsi, il faut saluer la réaction rapide de la Commission dans le domaine des normes juridiques non contraignantes dès le début de la pandémie pour maintenir malgré tout ce droit fondamental de l’UE. Son rôle a été d’autant plus déterminant que les instruments contraignants s’inscrivent dans un temps long et qu’il n’aurait pas été facile d’adopter un règlement ou une directive en cette période de crise. Tout d’abord, parce que l’on ne sait pas exactement quel aurait été leur contenu. Mais aussi parce que la partie était cruciale, le prix politique d’un échec d’une Commission nouvellement installée aurait été écrasant. Dans ce contexte, alors que le 11 mars 2020 l’OMS avait qualifié le Covid-19 de pandémie, dès le 16 mars, soit le lundi suivant, la Commission européenne a présenté ses « lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels (2) ». Elles passent par des mesures ambivalentes telles que le « passeport Covid », ressenti comme une restriction mais issu d’un règlement visant à assurer la libre circulation. Par ailleurs, l’apparition de la notion de professions critiques (ou métiers essentiels) a occupé une place importante et suscité des mesures particulières susceptibles d’être améliorées pour leur mise en oeuvre effective. Au-delà des questions sanitaires, la période récente a également vu l’adaptation de la législation existante aux nouveaux modèles familiaux, grâce en particulier à l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice sur les mariages homosexuels confrontée à certaines législations récalcitrantes lors de mobilités internationales des personnes concernées. On peut s’interroger sur la portée de ces décisions, qui pourraient à l’avenir être confrontées à des formes de mariages plus inattendues, dans la mesure où que la Cour de justice est compétente dès lors que les personnes font valoir leur liberté de circulation. Enfin, la période a été propice au développement du télétravail numérique. Les confinements paraissaient plus doux dans des cadres plus ensoleillés, poussant les travailleurs à passer les frontières de l’Union européenne (UE) avec leur ordinateur sous le bras, sans une conscience aiguë de la territorialité du droit. Parmi ces nouvelles formes de travail sans frontière, le travail par l’intermédiaire des plates-formes pose également son lot d’interrogations juridiques. Ces trois pôles seront présentés ici successivement dans une perspective dynamique, s’interrogeant sur les leçons à en tirer et ce qui restera de ces décisions à l’avenir.