SUR LEURS TERRAINS D’ENQUÊTE, les politistes composent immanquablement avec des images. Pensons à une recherche qui étudierait une action collective. Et prenons par exemple le cas d’une mobilisation contre un grand projet de rénovation urbaine. Il est impossible d’ignorer que les groupes mobilisés placés au cœur de la démarche d’enquête produisent et utilisent nombre d’images à l’appui de leur action. Ils fabriquent et diffusent des tracts, des affiches pour faire connaître leurs revendications. Ils photographient et filment leurs actions pour faire la preuve des problèmes qu’ils dénoncent, pour documenter leurs discours publics sur divers supports de communication (blogs, tribunes, chaîne YouTube, rapports...), attirer l’attention des médias, alerter les responsables politiques, susciter des soutiens dans l’opinion ou encore garder des archives de leur mouvement. La création d’artefacts visuels comme la fabrication d’images-traces sont consubstantielles à l’action collective. La production hybride de biens symboliques (combinant textes, iconographies, objets, rassemblements, performances...) est une part même des mobilisations. Sans compter que toute action collective est toujours susceptible d’être « couverte » en images par des acteurs et actrices extérieur·es au mouvement lui-même : journalistes, agents de renseignements, photographes amateurs qui l’enregistrent également à travers des traces visuelles. Toutes ces images sont des expressions de points de vue qui ont une résonance sociale et peuvent susciter divers actions et réactions. À ces premières pistes de réflexion, il faut ajouter que la généralisation contemporaine de l’accès et de l’usage des moyens numériques de médiatisation dessine des sociétés « hypervisuelles » où les images sont une composante centrale, parfois première, des relations sociales.