La Convention européenne des droits de l’homme et la protection des droits et libertés à l’ère du numérique
Résumé
Proving the currentness of the topic of digital technology in terms of rights and freedoms, the topic of the 2021 judicial seminar organised under the authority of the European Court of Human Rights (ECHR) was “the Rule of Law and Justice in a digital age”. While the European Court of Human Rights developed an approach seizing the possibilities offered by digital technologies, the Court of Strasbourg also developed case law on digital technology, understood in a broad sense, ranging from uses relating to internet to recourse to artificial intelligence and the central topic of data protection.
How are the issues related to digital technology apprehended by the European Convention on Human Rights opened for signature on 4 November 1950? The mobilisation of Convention provisions to ensure compliance with rights and freedoms in the digital era leads to interest in the methods used by the European Court of Human Rights to achieve this result.
The European Court of Human Rights was confronted with an increasing number of cases related to digital technology, mirroring the place taken by such technology in society, and was able to rely on the provisions of the Convention under the prism of rights and freedoms, as demonstrated in particular by personal data protection and the issues relating to the internet. Many cases illustrate the ambivalence of digital technologies which, much like other technologies albeit in a heightened manner due to its omnipresence and potentialities, allow us to hope for the best for rights and freedoms whilst fearing the worst.
Among the methods used by the European Court of Human Rights to ensure an up-to-date interpretation of the European Convention on Human Rights, it is interesting to note the reference to external sources specialising in digital technologies. In fact, cases relating to digital technologies have led the European Court of Human Rights to be confronted with a succession of questions that, until recently, it had not had to answer but which had already been addressed in other fora. Throughout its case law, the European Court of Human Rights has paid attention to the many international and European instruments adopted relating to digital technology and to work carried out on the articulation between human rights and digital technology by various committees and interpreters. This process has enabled it to compensate for the absence of explicit reference to these topics in the convention and to update its interpretation of the latter. Further, the Court can use the technique of positive obligations which may enable the concretisation of rights safeguarded by the European Convention despite the technical specificities of the digital environment. However, States’ detour through positive obligations is sometimes countered by the ineffectiveness of existing technical means, which they are not always required to overcome.
This brief glance at the European Court of Human Rights’ case law shows that, despite their adoption over 70 years ago, the provisions of the European Convention on Human Rights were able to be mobilised to ensure compliance with rights and freedoms in the digital era. Future challenges await the Court of Strasbourg, such as those posed by artificial intelligence. Even without resorting to predictive justice, it appears that we can assert that the European Court of Human Rights has the means of rising to these challenges.
Preuve de l’actualité de la thématique du numérique pour les droits et libertés, le séminaire judiciaire de 2021 organisé sous l’égide de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) avait pour thème « L’état de droit et la justice à l’ère du numérique ». En parallèle du développement par la Cour EDH d’une pratique se saisissant des possibilités offertes par le numérique, la juridiction de Strasbourg a aussi développé une jurisprudence portant sur le numérique, ce dernier pouvant être largement entendu, allant des usages liés à l’internet au recours à l’intelligence artificielle en passant par la question centrale de la protection des données.
Comment les problématiques liées au numérique sont-elles saisies par la Convention européenne des droits de l’homme ouverte à la signature le 4 novembre 1950 ? La mobilisation des dispositions de la Convention pour assurer le respect des droits et libertés à l’ère du numérique conduit à s’intéresser aux méthodes utilisées par la Cour EDH pour atteindre ce résultat.
La Cour EDH a été confrontée à la montée en puissance des affaires liées au numérique, reflet de la place prise par ce dernier dans la société et a su s’appuyer sur les dispositions de la convention pour se saisir de ces problématiques sous l’angle des droits et libertés, comme le démontre notamment la protection des données à caractère personnel et les problématiques associées à internet. De nombreuses affaires illustrent l’ambivalence du numérique, qui, comme d’autres technologies mais de façon exacerbée du fait de son omniprésence et de ses potentialités, permet d’espérer le meilleur pour les droits et libertés, tout en laissant craindre le pire.
Parmi les méthodes utilisées par la Cour EDH pour assurer une interprétation actualisée de la Convention européenne des droits de l’homme, il est intéressant de relever la référence à des sources externes spécialisées dans le numérique. Les affaires relatives au numérique ont en effet conduit la Cour EDH à être confrontée à une succession de questions jusque-là inédites pour elle mais éventuellement déjà traitées dans d’autres enceintes. Au fil de sa jurisprudence, la Cour EDH a alors pu porter attention aux divers instruments internationaux et européens relatifs au numérique adoptés ainsi qu’aux travaux réalisés sur l’articulation entre droits de l’homme et numérique par différents comités et interprètes. Cette démarche lui permet de pallier l’absence de référence explicite à ces thématiques dans la convention et d’actualiser son interprétation de cette dernière. Par ailleurs, la Cour peut utiliser la technique des obligations positives qui peut alors permettre la concrétisation des droits garantis dans la Convention européenne en dépit des spécificités techniques de l’environnement numérique. Cependant, le détour par les obligations positives des États se heurte parfois à l’ineffectivité des moyens techniques existants, ineffectivité qu’ils n’ont pas toujours l’obligation de surmonter.
Ce rapide aperçu de la jurisprudence de la Cour EDH démontre que, malgré leur adoption il y a plus de 70 ans, les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme ont pu être mobilisées pour assurer le respect des droits et libertés à l’ère du numérique. De futurs défis attendent la juridiction de Strasbourg, à l’image des problématiques liées à l’intelligence artificielle. Même sans recourir à la justice prédictive, il semble pouvoir être affirmé que la Cour EDH a les moyens d’y répondre.