L’on se serait attendu à un cloisonnement radical entre la théologie et la philosophie dans l’herméneutique de Hans-Georg Gadamer, la compréhension théologique des connaissances révélées étant a priori dogmatique et différente d’une saisie philosophique sous-tendue par une démarche rationnelle et critique. Tant s’en faut ! L’herméneutique gadamérienne se réserve de renvoyer définitivement dos-à-dos les deux disciplines, puisqu’elle y opère une discontinuité dans la continuité. Le souci d’exclure et d’inclure dans une investigation herméneutique le théologique et le philosophique exige, cependant, une révision conceptuelle des notions théologiques de compréhension et d’application, de manière à impliquer entièrement le sujet dans leurs implémentations respectives. Cette implication vise à rendre au sujet herméneutique son autonomie et son droit à critiquer librement les vérités constituées, selon sa situation historique actuelle et à venir, dans un monde nouveau. Gadamer sauvegarde ainsi son expérience théologique dans ses investigations philosophiques en dissolvant rationnellement le caractère hautement dogmatique des vérités contenues dans les textes bibliques, à l’effet de les relativiser et de les contextualiser dans l’espace et le temps. Contre les adeptes du divorce systématique entre la théologie et la philosophie, la foi et la raison, Dieu et l’homme, Gadamer montre qu’une herméneutique exclusivement adossée sur la raison serait limitée et incapable de s’enrichir réflexivement des vérités divines. Il y a alors lieu de penser que l’herméneutique gadamérienne est le véhicule d’une nouvelle approche épistémologique des rapports entre la théologie et la philosophie d’une part, et d’une nouvelle anthropologie qui voit le bonheur de l’homme dans une prudente réconciliation de celui-ci avec Dieu, d’autre part. Télécharger le texte sur : https://www.academia.edu/resource/work/93797106