L'investigation des processus sociaux qui se déroulent aux frontières (des pays, des organisations, des juridictions professionnelles, des disciplines et modèles cognitifs) s'est avérée très heuristique aussi bien en sociologie des sciences, des professions ou en sociologie des organisations. L'attention sur les frontières a enrichi la compréhension des dynamiques de changement à travers des échanges entre groupes issus d'univers hétéronomes et les mobilisations collectives autour de la définition de problèmes puisant des caractéristiques ou des solutions dans ces différents univers. Ces dynamiques ne sont pas dénuées de conflictualités qui conduisent à des mouvements de regroupement et de séparation (d'un côté ou de l'autre d'une frontière) ou de déplacement des frontières. Andrew Abbott a largement illustré ces processus en sociologie des professions et des disciplines (Abbott, 2016 ; Jouvenet, 2022). Du côté de la sociologie des organisations, les travaux des fondateurs se sont largement attachés à déconstruire l'idée d'une frontière entre entités organisationnelles formalisées et ont montré la diversité des liens entre les membres d'une organisation et leur environnement, qu'il s'agisse d'échanges inter-individuels (Crozier, 1977) ou d'inscription dans un champ organisationnel marqué par des pressions normatives (approche néo-institutionnaliste).