« Dès les premières Accumulations de 1960, Arman est entré en possession de son style, de son langage personnel. Dans les années qui ont suivi, il en a amélioré la technique, amplifié les effets, afin d’atteindre à cette constante dans la qualité, à cette classe qui distingue les grands talents des petits », écrit le critique Pierre Restany en 1968, soulignant la dimension instantanément spécifique ou identificatrice de la multiplication armanienne, épine dorsale d’une œuvre prolifique close en 2005. L’émergence de l’Accumulation durant l’année 1959 ne procède pas uniquement du spontanéisme de l’eurêka généralement retenu. Son créateur invoque en amont tout un « cheminement souterrain » amorcé dès l’enfance - voire antérieurement -, donnant ainsi à son langage quantitatif la double légitimité de la révélation et de la vocation, renforcée par celle de son étroite résonnance avec les proliférations du temps : « explosion démographique, production, gaspillage ». Suivant quatre axes thématiques traités en autant de tomes, la vaste étude conduite par l’auteur entend ainsi éclairer la pré et protohistoire matérielle et immatérielle des Accumulations à travers le récit des origines livré par Arman sur près de 40 ans, des premières manifestations créatrices à l’acte fondateur. Dans ce cadre de recherche, il s’agit non pas d’éprouver la réalité de cette source première souvent invérifiable, mais d’en réarticuler les bribes, de les recontextualiser, de les enrichir de témoignages tiers et d’hypothèses plausibles ou probables selon une approche génétique documentée. De la peinture para-figurative à l’Accumulation en passant par les Cachets, les Allures et leur hybridation, ce premier tome revient sur l’affirmation progressive de l’artefact et de la donnée quantitative dans la praxis d’Arman, à la faveur d’expériences et de prises de conscience largement issues d’une interaction avec l’environnement culturel niçois, parisien et international des années 1950.