« Chiffres arabes », « multiplication égyptienne », « arithmétique » ou « calcul » « indien(ne) », voire parfois « hindou(e) ». L’histoire des nombres et de l’arithmétique atteste, peut-être au plus haut degré, un mal qui affecte plus généralement l’histoire des sciences depuis longtemps : l’association, sans autre forme de procès, de concepts, de résultats, de notations, de théories, de styles ou de pratiques de travail avec des communautés nationales, religieuses ou linguistiques. Ce chapitre a pour objectif d’offrir quelques outils d’analyse de cette pratique historiographique. Il entend, en particulier, réfléchir à certaines des opérations qui sous-tendent l’obtention de conclusions formulées en ces termes. Il vise, enfin, à esquisser un cadre historiographique alternatif pour des cas pour lesquels ces conclusions sont de toute évidence problématiques. J’aborde ces trois ordres de questions tour à tour, en m’appuyant sur un unique exemple, paradigmatique à mon sens, à savoir, précisément : l’histoire des nombres et de l’arithmétique.