Quelle place occupent l’exil et l’installation des réfugiés dans la construction d’un savoir-être correspondant aux attentes des employeurs et des institutions d’accompagnement vers l’emploi ?
Résumé
Dans le cadre d’une thèse de sociologie, nous avons étudié un dispositif « d’Intégration
professionnelle des réfugiés » mis en œuvre par des missions locales. Une partie des
professionnels de ce dispositif différencient les jeunes réfugiés accompagnés des autres jeunes
en leur conférant une employabilité – et notamment un savoir-être – différente directement
associée à leur vécut (Lusinchi, 2022). Ces réfugiés émigrent de fait des suites de
problématiques sécuritaires fortes, ils expérimentent ensuite une trajectoire migratoire jalonnée
d’épreuves traumatiques et un temps d’installation précaire, autant d’épreuves génératrices de
risques en matière de santé mentale (Brell et al., 2020; Gerbes et al., 2015) constitutives en tous
cas de leur expérience sociale (Tcholakova, 2016).
Au-delà d’une représentation sociale différenciée opérée par les professionnels de
l’accompagnement vers l’emploi, ces épreuves nous semblent effectivement participer à leur
socialisation, comprise comme « l’ensemble des processus par lesquels l’individu est construit
[…] par la société globale et locale dans laquelle il vit » (Darmon, 2010, p.6). Nous proposons
de nous interroger dans cette communication sur la place que ces épreuves peuvent
effectivement prendre dans la construction d’un savoir-être, d’un rapport au travail ou d’une
hyper-correction sociale – déjà identifiée par la sociologie de l’immigration (Meslin, 2017;
Sayad, 1999) –propre à conduire les intermédiaires de l’emploi à les juger au moins autant
« employables » que les jeunes français, sinon plus.