Les phénomènes sociaux sont observables, intelligibles, descriptibles : c’est en vertu de cette accountability que les « membres » (sociologues inclus) peuvent les reconnaître « pour ce qu’ils sont », les analyser, etc. Mais la conduite d’une recherche au sein d’établissements médico-sociaux (EMS) accueillant des personnes atteintes de démence oblige à penser une éventualité ignorée des ethnométhodologues eux-mêmes : celle où les phénomènes semblent échapper à cette accountability (tout au moins à son versant « discursif »). En effet, les troubles induits par la maladie font que les conduites des personnes se donnent, en première instance, comme insensées, erratiques, insaisissables avec les ressources de la compréhension ordinaire (et en particulier celles du « langage naturel de l’action »). De ce point de vue, la démence met à l’épreuve ce que « comprendre » et « décrire » peuvent signifier, pour les acteurs de terrain comme pour les sociologues de métier. C'est cette épreuve, devenue centrale dans le cadre d'une démarche ethnographique, que je souhaiterais partager et mettre en discussion à l'occasion de cette communication.