Les zonages patrimoniaux consistent à accorder à certains espaces des valeurs patrimoniales. Cette qualification juridique (qu’elle relève du Code de l’urbanisme avec les Plans de sauvegarde et de mise en valeur et les Plans Locaux d’Urbanisme ou du Code du patrimoine avec les Plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine notamment) s’appuie a priori sur une connaissance des richesses patrimoniales de l’espace venant justifier le périmètre du zonage et participe à octroyer des valeurs symboliques à des espaces considérés comme « extra ordinaires » par rapport à un « ordinaire » relevant du droit commun. Nous ne pouvons que constater le nombre croissant de types de zonages patrimoniaux et leur diversité. Ils ont suivi l’évolution de la notion de patrimoine, d’abord centrée sur les édifices monumentaux (et leurs abords) avant de se diffuser aux quartiers anciens et même aux paysages. Ils ont aussi suivi l’évolution institutionnelle et notamment le processus de décentralisation : les outils de protection du patrimoine restent traditionnellement du ressort de l’État mais ce serait oublier que les ZPPAUP/AVAP introduisait le principe d’une co-gestion État / collectivité et que les Plans Locaux d’Urbanisme permettent – au travers de l’application de l’article L. 151-19 du Code de l’urbanisme notamment – aux collectivités d’identifier et protéger tous types de patrimoines. Les zonages patrimoniaux recouvrent donc des réalités très variées, notamment en termes de périmètres (à l’échelle d’une ville, d’un quartier, d’un îlot ou d’une séquence d’édifices), mais tous introduisent des contraintes réglementaires spécifiques – a priori plus fortes que le droit commun – justifiées par la valeur patrimoniale octroyée à la zone. À partir de ces postulats de base, nous émettons l’hypothèse que les acteurs – collectivités territoriales mais aussi services de l’État – élaborent des stratégies en jouant sur les types de zonages à leur disposition, leur combinaison ou encore leur superposition, de façon à produire des effets sur les dynamiques territoriales et immobilières. Si un certain nombre de travaux – en particulier chez les géographes – se sont penchés sur ces effets, notamment sous l’angle de la gentrification, la mise en tourisme ou encore l’attractivité territoriale ou même – chez les juristes – sous l’angle des contraintes réglementaires que produisent ces zonages, peu de travaux analysent les stratégies des acteurs qui précèdent leur mise en œuvre. L’intérêt d’une telle approche est de dépasser l’idée que le zonage patrimonial ne constitue qu’un périmètre juridique. Elle révèle des stratégies réglementaires et se fonde sur une analyse fine des effets de ces zonages, en termes de contraintes réglementaires (chaque zonage n’entraine pas les mêmes effets et les acteurs peuvent jouer sur un gradient normatif spatialisé), de gouvernance patrimoniale (les zonages participent à [re]configurer le rapport État / collectivités) ou d’effets sur les dynamiques immobilières (certains zonages patrimoniaux introduisant des dispositions fiscales propres à faciliter la restauration immobilière). À partir de plusieurs exemples issus de travaux de recherches menés depuis une quinzaine d’années (thèse de doctorat, programmes de recherche), cette communication analyse les zonages patrimoniaux sous l’angle des stratégies des acteurs publics. Une attention est notamment portée sur les cas de superposition et de combinaison de zonages qui entendent produire des effets tangibles sur le paysage urbain et les dynamiques territoriales et immobilières.