L’algorithmisation des activités humaines fondamentales (travail, justice, institutions) représente un phénomène contemporain ambigu et difficile à interpréter. A partir de l’observation du déploiement des systèmes d’intelligence artificielle, il est possible de proposer quelques hypothèses sur le sens de cette transformation. La promesse faite par l’IA apparaît d’abord considérable. Fantasmée à son origine, l’IA repose aujourd’hui sur la performance de systèmes techniques remarquables et d’ailleurs acclamés par les médias. Toutefois, ces systèmes sont implémentés avant que leurs effets sur la société soient réellement réfléchis. Le monde humain devient ainsi, à travers la transformation technologique de ses activités les plus fondamentales, un gigantesque espace d’innovation. Or, ainsi que nous l’avons montré ailleurs, il ne faut pas attendre de l’innovation qu’elle porte une vision structurante comme le faisait autrefois le progrès. De la sorte, l’enthousiasme innocent qui accueille l’essor sociétal de l’IA se recouvre aussi un impensé qui occulte certaines menaces, telle celle qui peut être identifiée sous les termes de « nihilisme institutionnel ». Comment maîtriser les conséquences du développement sociétal de l’IA ? Et comment donner prise à une évaluation de ce déploiement par les parties prenantes de l’activité sociale ?