2023, 9 nov.: "Concevoir le non-humain : réflexions interdisciplinaires sur le règne végétal et le règne animal" [jounée d'étude] Comité organisateur : Florian Moullard (SPH), Alexandre Iagodkine (SPH), Claire Varin d'Ainvelle (Plurielles) Concevoir la plante par la racine : de figure anthropomorphique à racine-objet entre XVIe et XVIIIe siècle Ma présentation lors de la journée d'études du 9 novembre 2023, intitulée « Concevoir la plante par la racine : de figure anthropomorphique à racine-objet entre le XVIe et le XVIIIe siècle » explore l'évolution des divers moyens de conception du système racinaire des plantes, mettant en lumière les enjeux partagés entre l'histoire des sciences, la philosophie et l’histoire de l’art. Dans l'Antiquité, les plantes étaient considérées comme des êtres animés d’un mouvement local, dotés d'une âme végétative et d'une sensibilité relative. La racine des végétaux était conçue comme une bouche, selon la forme aristotélicienne de l’arbor inversa. L’attribution de cet organe leur conférait la faculté d’attirer les nutriments de la Terre, bons ou mauvais. Cette vision était compatible avec celle du phàrmakon qui trouvait dans la plante un poison comme un remède, l’alimentation étant également la clé d’une bonne santé, selon les préceptes hippocratiques et galéniques. Au Moyen Âge, les racines étaient entourées de mystère et souvent représentées de manière anthropomorphique, manifestant une vision symbolique du végétal. Il s’agissait surtout de transmettre une image parlante à des fins didactiques et mnémotechniques, bien avant l’arrivée de l’imprimerie. À la Renaissance, les expéditions maritimes ouvraient la voie à de nouvelles découvertes végétales, mais le vocabulaire manquait pour décrire une nouvelle altérité. Les botanistes commencèrent à observer, décrire et classifier les plantes en se basant sur des critères morphologiques et anatomiques, cherchant à distinguer les nouvelles plantes des espèces déjà connues. Au XVIIIe siècle, les plantes furent abordées de manière plus rationnelle, les distinguant totalement du corps humain, lui-même envisagé comme le résultat de mécanismes (animal-machine). De cette rationalisation naquit l'émergence de disciplines telles que la physiologie végétale et de la pharmacologie. Les systèmes de classification des plantes utilisaient principalement des termes latins pour les identifier, marquant ainsi un éloignement des noms vernaculaires, creusant un fossé entre utilisations empiriques des plantes et théories botaniques médicales ou pharmacologiques. Les illustrations botaniques des Lumières adoptèrent une approche scientifique précise et une esthétique élégante, écartant l'aspect « sauvage » et non domestiqué des plantes. Ces transformations au cours des siècles des ontologies des plantes reflètent les changements de perspectives sur le règne végétal et les relations complexes entre l'humain et les plantes, résultant d'un dialogue entre philosophie, art et science.