Trois projets d’aménagement sur le site de l’abbaye de l’Épau, à Yvré l’Evêque (Sarthe), propriété du Conseil Départemental de la Sarthe depuis 1959, ont entrainé la réalisation d’un diagnostic archéologique à l’automne 2019. Le premier projet est celui de la restauration d’un bâtiment médiéval, très vraisemblablement le cellier, à l’écart des bâtiments monastiques. Le deuxième est un projet de jardin éducatif et d’agrément à l’emplacement de l’ancien jardin à la française. Le troisième concerne le déplacement du gisant de la Reine Bérengère, fondatrice de l’abbaye masculine cistercienne au cours du premier tiers du XIIIe siècle. Placé actuellement dans la salle du chapitre, ce gisant doit être redéposé dans le chœur de l’église, lieu présumé de l’inhumation de la Reine. L’objectif principal du sondage dans le chœur était d’identifier d’éventuelles traces de la sépulture. Cet ensemble de projets a conduit le Service régional de l’Archéologie à prescrire une campagne de sondages dépassant les surfaces menacées, afin d’obtenir, en une seule opération, une vision aussi large que possible du potentiel archéologique du lieu. Dans l’ensemble, le sous-sol présente un bon état de préservation, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments. Les vestiges sont faiblement recouverts (une vingtaine de centimètres). De même, la puissance stratigraphique des niveaux archéologiques n’est que d’une trentaine de centimètres, en dehors des structures excavées. Hormis des réponses directes aux problématiques soulevées par le projet : - disparition des sols médiévaux à l’intérieur du cellier. Absence d’élément maçonné, ou même de trou de poteau en liaison avec les corbeaux présents sur trois des quatre faces extérieures du bâtiment, permettant d’envisager l’existence de simples appentis reposant sur des structures légères ; - confirmation de la présence, et du bon état de conservation, du jardin à la Française, tant par son niveau de terre de végétale, que par des éléments de ses allées et par la présence de quelques fosses de plantation ; - absence de sépulture dans la tranchée longitudinale effectuée dans le chœur et mise en évidence des niveaux de construction et vraisemblablement du premier sol de l’église (en mortier de chaux). Le diagnostic apporte, avec l’aide de l’étude documentaire de B. Fillion-Bréguet, des réponses globales sur le site monastique. L’installation - même si l’environnement général, dans une boucle de l’Huisne est humide -, a été réalisée sur une éminence sableuse. Il n’y a aucune trace de tourbe sur le site qui témoignerait de l’existence de marécages. Les fondations des bâtiments médiévaux du carré claustral sont peu profondes (0,60 m environ). L’abbaye est alimentée, au moins à l’époque moderne, sinon dès sa fondation, par une conduite d’eau sous pression. Un canal maçonné, médiéval, de 0,80 m de largeur pour 1,20 m de profondeur, a été repéré près du cellier. Sa fonction précise n’a pu être spécifiée. Il s’agit très vraisemblablement d’une évacuation dont ni l’origine, ni les bâtiments ou les structures qui lui sont associés, n’ont pu être reconnus. La seule structure hydraulique identifiée dans l’abbaye sont des douves qui doublent intérieurement le mur d’enceinte. Sur le plan de 1793, on ne voit qu’une seule et unique liaison avec l’extérieur, ce qui est insuffisant pour concevoir un ru traversant le domaine abbatial. Si un bras ancien, détourné ou relié à l’Huisne parcourait l’emprise du monastère, nous ne l’avons pas rencontré. L’extérieur des bâtiments était partitionné, au moins à l’époque moderne sinon antérieurement, par des fossés. Ces derniers ont disparu lors de la création du jardin à la Française sans doute issu d’une restructuration plus générale. Les bases d’un four domestique, vraisemblablement d’époque moderne, ont été trouvées sur le parvis de l’église. La destruction du bâtiment est antérieure à la fin du XVIIIe siècle. Au-delà de ces informations directement liées au diagnostic, l’opération archéologique permet de proposer une nouvelle lecture du plan du site. Les arrachements de murs, encore visibles dans les élévations, les plans et gravures anciennes, ainsi que les différentes observations archéologiques depuis le XIXe siècle, montrent une topographie plus élaborée. Si de fortes incertitudes existent quant à l’existence d’un bâtiment des convers, en revanche, l’hypothèse d’une nef de l’église, plus longue, est fortement envisagée. Il en est de même pour la présence d’un bâtiment perpendiculaire, peut-être des latrines, à l’angle sud-est du dortoir des moines, ainsi que pour le réfectoire, perpendiculaire à l’aile sud du cloître. C’est d’ailleurs certainement ce bâtiment que l’on voit sur la gravure dite de Gaignières, datant de la fin du XVIIe siècle.