Érigé en grande cause nationale, le maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie est cependant une activité en souffrance (Devetter, Dussuet et Puissant, 2023). Disposant d’une liberté dans l’exécution des prestations, les aides à domicile vivent néanmoins un isolement dans l’organisation du travail, qui tend à les exclure des mécanismes de protection et de solidarité inhérents à l’appartenance à un collectif de travail (Linhart, 2009). Dans une perspective sociologique s’intéressant au rapport d’enrôlement (Jacquot, 2014), l’objectif de cette communication est d’analyser le déploiement d’une « équipe autonome » dans une association des services à la personne. Face au management à distance d’aides à domicile atomisées, sur quel registre de justification s’appuie la direction pour transférer une partie des prérogatives de l’encadrement à un collectif de travail nouvellement constitué ? Au-delà du discours des promoteur.trices, comment les agent.es s’approprient concrètement la nouvelle division du travail entre l’encadrement de proximité et les salariées d’exécution ? L’enquête s’appuie sur un dispositif combinant entretien et observation afin de saisir le travail d’organisation en situation (Avril et al., 2010). Les discours recueillis auprès de la direction, de l’encadrement et de l’exécution permettent d’appréhender le sens donné par les agent.es à cette transformation organisationnelle, tandis que la restitution d’une réunion de l’équipe offre la possibilité d’analyser les interactions entre salarié.es et par conséquent la reconfiguration des rapports de pouvoir au sein de l’agence. Sous l’impulsion et la supervision de la direction, la transition vers cette « équipe autonome » tend à améliorer les conditions de travail et à revaloriser l’image du métier, tout en laissant entrevoir la constitution d’un continuum hiérarchique entre les agent.es d’exécution et d’encadrement. Dans un contexte où la contrainte financière pèse fortement sur l’activité (Devetter et Puissant, 2018), cette actualisation du rapport d’enrôlement amène cependant à interroger le risque d’épuisement professionnel pour les salarié.es les plus investi.es ainsi que la potentielle intériorisation des normes gestionnaires par les aides à domicile (Linhart, 2022).