La question du consentement, au sens d’une «decision-making capacity», est au cœur de toutes les politiques d’intégrité scientifique. Or, il faut se demander si la difficulté sinon l’impossibilité à décider, soit à consentir ou à refuser «en raison», signifie vraiment une incapacité à exprimer sa volonté. Faute de quoi, les mille et une autres manières, incarnées pour l’essentiel, d’exprimer sa volonté, dès lors que l’on participe à une activité, sont de facto niées. Cette interrogation, que le projet FNS que nous menons actuellement nous a conduit à formuler, déborde le seul consentement à participer à une recherche. Elle concerne en effet l’ensemble des activités que mènent les personnes atteintes de démence vivant dans des EMS spécialisés en psychogériatrie et aux situations quotidiennes auxquelles font face les professionnel-les. Conscients qu’il n’existe pas d’accès direct à ce que pensent les résident-es, leur expertise consiste précisément à savoir identifier et déterminer ce qu’ils et elles veulent: non pas en leur posant des questions, mais en se montrant attentives à leurs gestes, regards, émotions. De ce point de vue, interne aux pratiques de care, la capacité à décider n’est pas quelque chose qu’un-e résident-e atteint-e de démence «possède» (ou non), mais quelque chose qui se découvre dans ses manières d’être et de faire, et que les professionnel-les élucident par l’intermédiaire d’enquêtes situées. Sur la base d’une ethnographie de longue durée dans deux EMS en psychiatrie de l’âge avancé de Suisse romande, notre communication va montrer que la question du consentement peut se poser autrement. Plutôt que de la rapporter à une affaire de «faculté» cognitive propre à un sujet rationnel (Dworkin, 1993), elle sera entendue au prisme de pratiques professionnelles, qui reposent sur une autre conception du sujet, à savoir un sujet sentant dont les décisions se manifestent sur un format essentiellement corporel et sensible (Jaworska, 1999).