A bien des égards, la confluence grenobloise apparaît comme un laboratoire grandeur nature de l'événement anthropocène ». De façon emblématique, les principes d’aménagement qui façonnent le site depuis la fin du XVIIème siècle offrent à l’observateur un condensé assez remarquable des formes multiples qu’a pu revêtir l’empreinte « extractiviste » de l’homme sur les espaces alpins. Littéralement, la plaine de Grenoble s’est progressivement transformée en un vaste showroom de domestication et d’exploitation de la montagne (carrière de pierre à ciment, sylviculture, industrie du bois, « or blanc », etc.) et, pour ce qui nous intéresse ici, de la ressource eau. Aujourd’hui encore, qu’il s’agisse de produire de l’énergie verte à l’échelle du démonstrateur de la Presqu’île Scientifique (à travers la mise en place d’un dispositif de géothermie sur nappe avec réseau d’exhaure) ou de garantir l’attractivité du pôle technopolitain auprès du monde de l’industrie électronique (autour notamment de la production de semiconducteurs, activité consommatrice de très larges volumes d’eau « pure »), l’eau représente l’une des principales ressources, si ce n’est l’« avantage compétitif », du système industriel et urbain grenoblois. Néanmoins, trois mouvements concomitants et contemporains viennent bousculer cet état de fait : 1. L’émergence d’une approche quantitative des « usages » de l’eau : l’existence de plusieurs champs captant métropolitains jugés capables de couvrir sans difficulté les besoins locaux (eau potable, activités économiques et agricoles) rendait inutile jusqu’à la sécheresse de l’été 2022 toute attention à une consommation raisonnée de l’eau ; l’épisode estival ayant bouleversé ce mythe de « l’abondance » et mis en concurrence, comme au niveau national, les usages de l’eau, entre les « essentiels » et les « accessoires » ; 2. L’émergence de nouvelles formes de « solidarités » territoriales et interterritoriales : cette attention nouvelle à l’eau désormais considéré comme un stock limité révèle des formes de solidarités jusqu’ici peu visible au sein de la Métropole mais également entre la Métropole et ses territoires voisins : qu’il s’agisse de prélever l’eau pour assurer la souveraineté industrielle nationale et européenne (via la métropolisation économique) ou son adduction vers les lieux de consommation (via la coopération interterritoriale), la dépendance des activités humaines aux nappes phréatiques du sud grenoblois (en tant que « réservoir ») oblige à dépasser les seules logiques gestionnaires portées par les institutions pour mieux embrasser une perspective hydropolitique susceptibles d’éclairer les interrelations dynamiques à l’œuvre entre eau, espace et pouvoir, entre politiques du sous-sol et projet de sol, entre infrastructures et territoires ; 3. L’émergence d’une « citoyenneté » de l’eau : de récentes initiatives tendent à introduire au sein des sphères de gouvernance, et non sans heurts, habitants engagés et militants associatifs dans le débat sur le partage de l’eau (autour par exemple de la controverse « De l’eau, pas des puces ! » porté par le collectif StopMicro38) ou encore éléments vivants et non-humains comme acteurs à part entière d’un balbutiant « Parlement de l’Isère ». En bref, l’eau est désormais au cœur de bon nombre de controverses substantiellement cardinales pour le devenir de la métropole grenobloise, et l’irruption récente dans le débat public de la question du partage de l’eau – au sein et au-delà de l’espace communautaire, et entre domaines d’activités (industrielle, agricole, touristique, récréative et domestique, touristique) – invite à poser, plus globalement, celle de sa gouvernance « entre gestion publique et solidarité métropolitaine » (comme l’indique un élue intercommunale), précisément ce sur quoi portera cette proposition de communication produite dans le cadre des travaux engagés au sein de la Plateforme POPSU Transitions Grenoble (2023-2026).