Presque toutes les villes, même celles dont la population diminue, continuent de s'étendre avec une urbanisation croissante. L'urbanisation actuelle tend à consommer beaucoup d'espace (zones pavillonnaires, zones d'activités…), combinée à une forte dé-densification des zones rurales (moins attractives), ce qui entraîne une augmentation importante de l'artificialisation des sols en périphérie des villes. La croissance constante des villes révèle des enjeux de durabilité dans les secteurs du logement et des transports en remettant en cause l'organisation spatiale des villes, par exemple en augmentant les temps de trajet et l'usage de la voiture. La forte urbanisation et l'augmentation constante de l'artificialisation des sols créent aussi de profondes conséquences environnementales (impacts sur la faune et la flore, îlot de chaleur urbain...) (EEA, 2010). L'application web présentée ici se concentre sur l'utilisation artificielle des sols en 2006 grâce aux lois d'échelles urbaines, dans 305 aires urbaines européennes de plus de 100 000 habitants. Nous utilisons la base de données d'occupation des sols de l'Urban Atlas de 2006 à une résolution de 5 m et la grille de population de Geostat à une résolution de 1 km. L'utilisation des sols artificiels fait référence à toutes les catégories d'utilisation des sols de l'Urban Atlas, à l'exception des zones aquatiques, des espaces agricoles, des espaces verts urbains et forêts. L'objectif est d'analyser comment la structure urbaine (plus précisément l’utilisation des sols) évolue en fonction de la distance au centre principal. Les lois d'échelles urbaines (qui permettent de transformer un ensemble d'objets d'une échelle spatiale à une autre sans changer leur structure) se révèlent être un excellent outil pour comparer les villes (Batty, 2015). En effet, après avoir redimensionné les distances par rapport à l'hôtel de ville, les villes européennes se positionnent à des niveaux similaires sur la question de l'occupation des sols en 2006. Le large corpus de villes à traiter et l'objectif de comparaison à l'échelle européenne renforce la pertinence de l'utilisation des lois d'échelles urbaines (Rybski, 2019). Grâce au changement d'échelle, la comparaison devient possible pour des villes de tailles différentes. Le choix méthodologique qui sous-tend ce travail est l'utilisation de l'analyse radiale pour décrire les villes. L'analyse radiale permet la distribution complète des terres et des personnes dans la ville. Elle est basée sur le modèle d'Alonso (Alonso, 1964), la ville est considérée comme circulaire et monocentrique. Le centre de référence de la ville correspond à l'hôtel de ville dans chaque cas. La ville est étudiée de manière morphologique, en se concentrant sur l'organisation des successions d’usages des sols. Le principal résultat de ces travaux est que l'organisation des successions d’usages des sols se produit au même rythme si on annule l'effet de taille des aires urbaines (Lemoy, 2020). Les grandes villes sont plus grandes en termes de superficie mais ne sont pas plus parcimonieuses dans leur utilisation des sols par habitant. L’application est développée sur la base du langage R, qui est bien adapté à l'utilisation de la cartographie interactive. Cette application web est organisée en plusieurs onglets : Carte interactive, Méthodologie (pour approfondir les lois d'échelles urbaines et les bases de données), Exemples européens (pour voir les villes avant et après la mise à l'échelle grâce à des graphiques et des cartes), France versus Espagne (pour voir les différences sur l’utilisation des sols sur le tissu urbain, les industries et les routes), "Et ma ville, comment se situe-t-elle ?" (Comparaisons statistiques et cartographiques des villes sélectionnées par l'utilisateur). La plateforme web peut être décrite comme une interface d'analyse intuitive grâce au langage R Shiny qui est une technologie open-source et qui permet d'afficher l'application sur un navigateur, la rendant ainsi accessible à un plus large public grâce à la géovisualisation (Keim et al., 2008). Avec cet outil comparatif, tel qu'une plateforme didactique et cartographique, les villes peuvent évaluer leur situation mais aussi se comparer à d'autres villes similaires en 2006. Pour l'instant, elle n'en est qu'à ses débuts, mais elle pourra être agrémenter plus tard de données passées et futures afin de voir l’évolution de l’usage des sols des villes européennes. Néanmoins, les lois d'échelles urbaines ne peuvent pas non plus tout expliquer : certaines villes se distinguent et certaines variations apparaissent à la marge. En particulier, deux grands pays se distinguent par rapport à la moyenne des villes européennes : les villes françaises sont plus artificielles que la moyenne en 2006 tandis que les villes espagnoles le sont moins, plus précisément dans les 10-30 premiers kilomètres (distance rééchelonnée avec Londres comme référence). Selon les premières analyses, c'est surtout la proportion du tissu urbain en France qui est plus importante (après rééchelonnement) qu'en Espagne. Les proportions d'industries et de routes sont également plus élevées en France.