L'originalité du De natura animae et corporis de Guillaume de Saint-Thierry, composé vers 1140, tient au fait qu'il s'appuie sur l'apport des savoirs médicaux, en partie issu des traductions nouvelles, pour nourrir une anthropologie résolument spiritualiste. Dans le volet du traité consacré à la physique du corps, Guillaume expose comment la machine corporelle possède sa propre perfection qui demeure tout entière dans le fonctionnement harmonieux des membres, des organes et des humeurs. Pour autant, le corps ne reçoit la vie même que de l'âme en laquelle réside toute noblesse et ressemblance divine. La physiologie de Guillaume contient néanmoins plusieurs ambiguïtés – notamment sur la nature exacte, corporelle ou bien spirituelle, des vertus fonctionnelles – montrant que les frontières revendiquées entre l'âme et le corps ne sont pas fixement délimitées. Ainsi, le projet de Guillaume tout comme ses hésitations confirment qu'au-delà des différends doctrinaux qui ont opposé le cloître et l'école au XIIe siècle, un même questionnement existe chez les penseurs concernant les modalités d'une réconciliation de l'homme intégral, corps et âme, chair et esprit.