D'espace quasi-privé qu'elle était anciennement -bien souvent constituée par le logement et l'atelier d'un artisan ouvrant sa devanture sur la rue et son arrière-boutique sur la cour, faisant office de portier, voire de collecteur de loyers ou de domestique vis-à-vis du propriétaire- la loge tend au début du XXe siècle, dans les propositions architecturales les mieux réfléchies, et aujourd'hui plus encore, à se commuer en bureau d'accueil, de réception à l'allure très professionnelle et publique, bien séparée du logement de l'officiant.
La loge ne change certes pas seule, ou pas isolément. C'est bien plus tout l'ensemble des éléments matériels et immatériels de la structure complexe espace public/espace entre/espace privé qui se transforme : les typologies d'immeubles autant que les contraintes constructives et architecturales, les techniques de services, d'hygiène et de sécurité (service du courrier par distribution ou dépôt, alimentations en eau et en énergie/ évacuation des déchets, communications directes ou par médias téléphoniques et électroniques, fermetures mécaniques ou surveillées/digicodes...). L'externalisation progressive des services aurait diminué le caractère d'unité d'habitation de l'immeuble, mais le partage d'un code commun au sein du groupe de co-résidents, au contraire, le renforce. De même, la dissociation des membres de l'interaction dans le temps comme dans l'espace (dépôts et communications à distance) aura affaibli le caractère de lieu d'intermédiation du seuil, et celui d'unité sociale localisée à échelle moyenne que constituait l'immeuble. Pourtant, l'intensification du contraste entre le domaine du privé et celui du public, corrélatif d'un resserrement du groupe domestique sur le groupe familial consanguin, réintensifie inversement le seuil et son franchissement.
Le concierge n'en demeure pas moins un acteur investi d'un rôle passablement étrange et complexe. Ne le disent que fort mal les définitions professionnelles de sa fonction, sous sa forme ancienne et quelque peu servile ou sous la forme des unités de valeurs de la convention professionnelle actuelle. Complexe, en particulier parce qu'il lui est demandé de produire simultanément du lien social et de la séparation.