La Méditerranée et le monde méditerranéen. Pour l'analyse de l'invention géographique des lieux et des découpages de l'espace. - HAL Accéder directement au contenu
Autre publication scientifique Année : 2007

La Méditerranée et le monde méditerranéen. Pour l'analyse de l'invention géographique des lieux et des découpages de l'espace.

Florence Deprest
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 836931

Résumé

Ce dossier d'Habilitation à Diriger des Recherches présente un ensemble de travaux réalisés entre 1996 et 2007, et caractérisé par une évolution thématique. La sélection bibliographique est organisée en trois parties marquant les inflexions de mon parcours.
La première partie rassemble les écrits consacrés au tourisme et à la mise en tourisme des lieux, rédigés entre 1996 et 1999. En tant que doctorante (1991-1995), j'avais participé à l'expérience de l'Institut de Saint-Gervais, puis à la fondation de l'équipe Mobilités, Itinéraires, Territoires (Université Paris 7), dirigés par Rémy Knafou. Jusqu'en 1998, j'ai ainsi co-signé plusieurs travaux collectifs [L'Institut de Saint-Gervais. Recherche-action dans la montagne touristique, Belin, 1997 ; « Une approche géographique du tourisme », L'Espace Géographique, 1997 ; Atlas de France. Tourisme et loisirs, Reclus - La Documentation Française, 1997]. Par ailleurs, j'ai publié Enquête sur le tourisme de masse. L'écologie face au territoire (Belin, 1997), volume issu de ma thèse (1995), réédité et traduit. Cet ouvrage propose une analyse généalogique des modèles utilisés par les géographes du tourisme notamment anglo-saxons, telles les notions de cycle de vie du lieu touristique, de capacité de charge, de tourisme durable. Ces constructions scientifiques qui visent à rendre compte de l'évolution des lieux depuis les pratiques aristocratiques et bourgeoises jusqu'au tourisme de masse, sont ainsi issues des modèles de l'écologie par le biais de glissements analogiques. J'ai montré en quoi elles étaient antinomiques avec la notion de production sociale des lieux. Par ailleurs, j'ai critiqué leur fondement idéologique qui participe d'une représentation négative des masses « destructrices des lieux » et d'une naturalisation de la domination des élites « productrices de lieux ».
La deuxième partie regroupe les écrits qui marquent l'élaboration d'une nouvelle recherche entre 2000 et 2005, après mon départ de l'équipe MIT et ma nomination comme maître de conférence à Valenciennes (1997-1998). A partir de l'analyse d'une interrogation récurrente dans la littérature contemporaine « La Méditerranée, objet ou mythe géographique ? », j'ai orienté ma réflexion sur l'invention géographique de la Méditerranée aux XIXe et XXe siècles. En France, la construction scientifique de la Méditerranée s'inscrit dans le contexte de domination politique sur le Maghreb. Braudel, lui-même, racontait avoir rencontré son sujet de thèse, « La Méditerranée et le monde méditerranéen », pendant ses années passées à Alger (1924-1932), et tenait Emile-Félix Gautier, professeur de géographie de l'Université d'Alger entre 1900 et 1935, pour l'un de ses principaux inspirateurs. La mise au jour de la construction géographique de la région méditerranéenne m'a ainsi conduite à interroger le lien qu'elle entretient avec le fait colonial.
D'une part, j'ai engagé un travail sur un corpus de textes issus des Géographies Universelles françaises, dans une perspective comparatiste et généalogique [2002, Espace Géographique ; 2005, Revue du Nord ; 2005, colloque de Lyon II ; 2006 et à paraître, Cybergéo]. Mon attention s'est particulièrement portée sur la Nouvelle Géographie Universelle d'Elisée Reclus pour qui le thème de la Méditerranée semble constituer un élément très central de sa conception géohistorique du monde. Trois volumes ont alors été l'objet d'une analyse approfondie : sur la Méditerranée (1876), sur la France (1877) et sur l'Algérie (1886).
D'autre part, j'ai commencé en 2002 des investigations concernant la géographie universitaire de l'Algérie coloniale. Partie d'une interrogation portant sur la figure du géographe Emile-Félix Gautier et sa possible influence sur Braudel, la perspective de cette recherche s'est rapidement modifiée en un projet spécifique de plus grande ampleur. Il a donné lieu à l'écriture d'un manuscrit inédit, Géographes et géographies en situation coloniale. L'université d'Alger (1880-1950) [HDR, tome II, volume 2, 270 p.]. S'inscrivant dans le courant des Colonial Studies, cet ouvrage résulte d'un parti pris méthodologique en faveur d'une contextualisation très rigoureuse de l'analyse des discours scientifiques sur l'espace colonial. Il s'est agi de mettre au jour comment la situation combinée des producteurs dans les champs universitaire et politique construisait les savoirs géographiques. Les limites entre l'Europe et l'Afrique, entre le Tell et le Sahara, entre l'Occident et l'Orient, entre l'espace des sédentaires et des nomades – c'est-à-dire aussi l'enjeu des limites de l'aire méditerranéenne et le contenu de cette dernière – ne sont ainsi pas l'objet d'un discours univoque et conforme à un paradigme unitaire au sein de l'institution universitaire. Au contraire, ces savoirs sur l'espace semblent résulter de tensions parfois extrêmes entre des attendus théoriques auxquels les scientifiques sont soumis dans le cadre de leur communauté professionnelle, mais soumis relativement à leur position plus ou moins centrale au sein du champ universitaire, et des injonctions idéologiques auxquelles ils se rattachent par leur appartenance à des groupes socio-politiques différents au sein de la nébuleuse coloniale. Ces savoirs géographiques universitaires apparaissent ainsi multiples, contradictoires, relevant de rationalités complexes à l'intérieur même des œuvres respectives de leurs auteurs. Au-delà de son caractère monographique, l'analyse de la géographie universitaire produite sur l'Algérie pendant la période coloniale permet ainsi de mettre en question quelques-unes des catégories que l'histoire et l'épistémologie de la géographie ont coutume de manier à ce sujet (géographie coloniale / géographie vidalienne, géographie de terrain / géographie de cabinet).
Le développement de cette recherche m'a conduite, au fil des dernières années, à nouer des contacts avec des historiens et des géographes intéressés par la construction des savoirs géographiques en situation coloniale. De ces nouvelles relations est né un projet collectif. En co-direction avec Hélène Blais, maître de conférence en Histoire contemporaine à l'Université de Nanterre, et en collaboration avec une dizaine de chercheurs, nous avons ainsi présenté un projet intitulé « Géographie et colonisation : construction et circulation des savoirs géographiques sur l'Afrique française (XIXe-XXe siècles) » dans le cadre des appels à programme « Jeunes Chercheurs » de l'ANR. A ce titre, notre groupe GEO&Co a obtenu un financement pour la période 2007-2010. Par ailleurs, je me suis engagée dans d'autres programmes dont celui consacré à l'administration territoriale, à l'initiative du CHSIM, Centre d'Histoire Sociale de l'Islam Méditerranéen (EHESS), dans le cadre du FSP France / Maghreb. La troisième partie de la sélection bibliographique rassemble ainsi tous les textes qui marquent l'ouverture de nouveaux chantiers collectifs depuis 2006, date à laquelle je me suis rattachée à l'UMR Géographies-Cités au sein de la composante E.H.GO.
Dans un volume intitulé Itinéraire et projet [HDR, tome III, 88 p.], je propose d'envisager l'ensemble de ces travaux selon cinq points de vue différents : Moments, Cheminements, Horizon, Symbolique, Orientations. Le premier est celui adopté pour la présentation de la sélection bibliographique qui articule trois moments thématiques; le second examine mes cheminements dans l'espace institutionnel universitaire; le troisième s'intéresse à la fabrique d'une nouvelle problématique; le quatrième donne à entrevoir le « sujet » de la recherche; le cinquième se focalise sur les orientations pérennes qui, au-delà des évolutions thématiques, régissent ma pratique scientifique et la construction de mes objets. A travers le tourisme, la Méditerranée, la géographie en situation coloniale, l'ensemble de mes travaux est structuré par un intérêt constant porté à l'invention des lieux et des découpages de l'espace. Par leur position théorique et méthodologique, et en particulier par une interrogation renouvelée sur les rapports entre science et idéologie, mes publications et projets s'inscrivent ainsi dans la construction collective des savoirs géographiques contemporains et s'associent à la réflexion sur leurs usages.

Domaines

Géographie
Loading...
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-00258670, version 1 (23-02-2008)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00258670 , version 1

Citer

Florence Deprest. La Méditerranée et le monde méditerranéen. Pour l'analyse de l'invention géographique des lieux et des découpages de l'espace. : Habilitation à diriger des recherches (Université Paris 1). 2007. ⟨halshs-00258670⟩
251 Consultations
0 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 28/04/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus