Les recherches sur la « révolution de la lecture » à la fin de l'époque moderne n'ont pas toujours suffisamment tiré parti des écrits des lettrés, ces « lecteurs forcés » (B. Fabian). Une source telle que les Efemeridi du haut fonctionnaire toscan Giuseppe Pelli Bencivenni, diaire rédigé entre 1759 et 1808, permet de saisir la diversité des expériences du lire chez un lettré du XVIIIe siècle. Elle donne à voir la lecture, non seulement comme un dispositif social et textuel, mais également comme une disposition du corps, mobilisant l'œil, la main, la « machine » toute entière. Elle met également en évidence l'évolution d'un système ancien et articulé de comportements, de postures et d'imaginaires, que les mutations de la librairie et des fonctions sociales de la lecture viennent accélérer à la fin du XVIIIe siècle.