Dans la France de la IIIe République, l'exécution capitale est une pratique punitive institutionnalisée et publicisée. Elle est à la fois une technologie de pouvoir (Foucault) impliquant un spectacle de violence dans l'espace urbain, et un rituel politique propice au déploiement de sensibilités (Elias) qui fondent les critiques autour de sa légitimité dans l'espace public. L'objectif de cette thèse est d'examiner les formes prises par la mise en scène exécutionnaire, et d'analyser les causes de sa dépublicisation progressive, avant sa relégation dans la cour d'enceinte des prisons en 1939. A travers l'observation de la médiatisation des exécutions, de l'attachement qu'elles suscitent, et des choix politiques destinés à altérer leur formalisme, il est possible de comprendre à quelles conditions une mise à mort peut être donnée à voir. Mais la publicité de la peine de mort implique aussi, de la part des élites notamment, un rapport contestataire à ses acteurs comme aux sens qu'elle charrie. Le développement concomitant de sensibilités hostiles au principe d'une cérémonie mortifère, et de mutations de l'espace public qui valorisent une communication politique à distance, expliquent la demande sociale de déspectacularisation du châtiment suprême. Prises dans le procès de civilisation, et considérées par le pouvoir comme ne possédant plus de vertus légitimatrices, les exécutions publiques entrent dans le secret carcéral, et laissent ouverte à l'analyse la question de la violence en République.