Autrefois sujet incontournable des études électorales, le vote des agriculteurs est aujourd'hui peu étudié par la science politique française. Outre la demande sociale sans doute moindre, du fait du déclin quantitatif massif du groupe des agriculteurs, il faut sans doute voir là l'effet de la difficulté à saisir ces votes. Cette difficulté est patente dans le cas de l'utilisation de données issues de sondages : les instituts n'utilisent plus la catégorie « agriculteurs » dans leurs quotas. Dès lors, il est très difficile, voire impossible, d'utiliser les sondages comme outils d'investigation. L'utilisation de la méthode écologique, qui consiste à mettre en relation des données agrégées (ici, la population agricole, i.e. agriculteurs actifs et retraités et ouvriers agricoles, d'une commune, et le vote pour tel ou tel candidat lors de l'élection présidentielle de 2007), permet d'apporter des éléments de connaissance et de compréhension du vote des populations agricoles, même si cette méthode n'est pas exempte de limites et de critiques. Surtout, les méthodes que nous déployons, à deux niveaux (la France métropolitaine et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur), permettent deux choses que les sondages ne permettent généralement pas : établir les variations spatiales des comportements électoraux des populations agricoles d'une part ; mettre en relation ces variations avec des éléments explicatifs, tels que les caractéristiques des exploitations. Nous montrons ainsi que, loin de l'image d'un bloc monolithique orienté à droite qui est souvent donnée du « vote agricole », les comportements électoraux des agriculteurs sont variables dans l'espace. On a ainsi distingué quatre types de départements : ceux dans lesquels la présence d'agriculteurs est associée à un vote de droite mais pas d'extrême droite, ceux dans lesquels la présence d'agriculteurs est associée à un vote de droite et d'extrême droite, ceux dans lesquels la présence d'agriculteurs est associée à un vote de gauche, et ceux enfin dans lesquels la présence d'agriculteurs ne semble pas correspondre à une orientation électorale marquée. De plus, ces orientations électorales différenciées sont statistiquement liées aux caractéristiques des exploitations agricoles. Cette constatation permet ainsi de déconstruire l'unité et l'homogénéité supposées du monde agricole. Au-delà du discours des organisations porte-parole du « monde agricole », il existe ainsi des « mondes agricoles » en politique.