Cette communication propose une réflexion sur l'action publique dans le domaine de l'emploi et de la qualification, au prisme d'une population particulière : les immigrés. En France, le fondement de la politique d'immigration a longtemps été une forme de républicanisme assimilationniste ((De Rudder, Poiret, Vourc'h, 2000), qui sollicite les immigrés pour qu'ils s'intègrent surtout à travers l'emploi (Réa, Tripier 2003). Mais les formes de régulation antérieures sont en mutation et il en résulte de nouvelles incertitudes qui ouvrent aux acteurs sociaux (syndicats, organisations patronales, experts etc.) des espaces d'intervention en vue d'inventer de nouvelles réponses aux risques de l'emploi et à la gestion d'une présence immigrée de plus en plus visible et médiatisée (Guiraudon, 2006). La comparaison avec le cas italien nous semble porteur d'éclairages révélateurs : elle permet de dévoiler des mécanismes de régulation différents en réponse à des « besoins » de la branche qui paraissent communs aux deux territoires. De quelle manière les opérations de ciblage (des politiques de formation et d'emploi, des acteurs territoriaux de branche etc.) concourent à « visibiliser » ou au contraire à rendre floues les populations concernées ? Combien les catégorisations des acteurs, publics et du « privé social », jouent dans le processus d'insertion et de qualification professionnelle des immigrés? De quelle manière l'histoire migratoire et les traditions politiques de France et Italie influencent les processus de visibilisation respectifs? A ce titre, l'intérêt est celui d'une analyse critique des catégorisations et des instruments (Lascoumes et Le Galès, 2005) retenus par l'action publique, dont la traduction territoriale dans le domaine des relations collectives de travail est le résultat d'une négociation avec différents sujets. Trois groupes d'acteurs sont ici privilégiés : l'Etat et ses représentants territoriaux, les organisations syndicales et patronales de branche, et les acteurs sociaux (associations, coopératives sociales etc.). L'analyse des catégorisations qui résultent du dialogue entre ces acteurs nous permet d'identifier un système de visibilisation territoriale et de branche, plus pragmatique que celui se référant à la sphère publique. Le cas du secteur du bâtiment nous semble intéressant à plusieurs titres : quelles sont les configurations d'acteurs aux prises avec les problèmes de sélection et qualification de la main d'œuvre, au niveau régional ? Quelle place tiennent-ils dans la définition des modalités de régulation des relations de travail, et dans la construction des « catégories-cibles » ? Les travaux menés dans le cadre de la théorie des conventions (Eymard-Duvernay, 2001, 2008) et de l'analyse sociétale « revisitée » (Verdier, 2000) seront ici utilisés en support de nos démarches théoriques et méthodologiques.