Cet article constitue le point de départ d'une réflexion suscitée par l'appréciation de Stephan Cuttler dans son livre sur la trahison de 1981 (The Law of Treason and treason trials in later medieval France); dans cette étude qui porte sur la fin du Moyen Âge, l'auteur rappelle que le fondement juridique de la trahison médiévale est romain. Mais il estime aussi qu'entre le VIè et le XIè siècle, l'influence du droit romain est devenue négligeable, aussi voit-il la trahison principalement sous la forme atténuée de l'infidélité du vassal à l'égard de son seigneur. Après avoir développé plusieurs cas, en commençant par celui de l'éviction du comte d'Anjou Geoffroy le barbu par son frère Foulques le Réchin (en 1067-1068), une réflexion est esquissée mettant en question l'idée d'affaiblissement de la notion de trahison avant le milieu du XIIè siècle. La versatilité, la ruse, l'infidélité sont certes fréquemment associées à la trahison. Mais l'association la plus évidente lorsqu'on lit l'Histoire ecclésiastique d'Orderic Vital est celle qui est établie entre la trahison et la rébellion. Quand la trahison implique le meurtre ou le complot contre le roi, Orderic Vital mentionne explicitement le crime de trahison. Si l'on ajoute l'examen des châtiments appliqués aux traîtres, on repère nettement l'influence du droit romain sur la conception de la trahison, non seulement chez les auteurs mais aussi parmi les princes. Ainsi donc, avant le milieu du XIIè siècle, les documents reprennent les caractères de la loi romaine de trahison, à l'exception toutefois du crime de lèse-majesté. Cependant, le vocabulaire utilisé par Orderic Vital et divers auteurs révèle une autre influence : il porte la marque des auteurs chrétiens des premiers siècles et au-delà. On relève donc moins une conception faible de la trahison qu'une notion transformée, mêlant l'influence juridique romaine et l'apport des auteurs ecclésiastiques relativement au refus d'obéissance, ainsi que l'utilisation de la notion de rébellion léguée par nombre d'auteurs au cours des siècles précédents; elle n'entre pas encore dans une construction institutionnelle mais elle contient déjà les éléments qui seront utilisés dans une telle construction.