Bernanos-Bresson (Journal d'un curé de campagne): le spectateur du film/lecteur du journal, ou l'image des mots
Résumé
Qu'en est-il de l'adaptation à l'écran du texte de Bernanos ? Mais surtout, qu'apporte une écriture filmée – les pages du journal du curé -, et que voit-on ou ne voit-on plus par l'écriture apparaissant ainsi à l'écran ? Dans quel espace se situe le spectateur ? Il s'agit d'envisager le spectateur du film de Bresson comme lecteur du journal, dont les pages apparaissent à l'écran, mais aussi spectateur d'une lecture–écriture, puisque le diariste apparaît lui aussi à l'écran. On peut ainsi étudier les effets du spectacle de cette écriture et de l'écoute ce monologue, en observant les distorsions entre texte lu et texte vu du journal. Bresson apporte une dimension supplémentaire à la représentation bernanosienne de l'indicible invisible justement dans cet écart entre les instances de la représentation, les espaces et le temps (temps du monologue intérieur, temps de l'écriture, temps de la lecture) : tout échappe (à la vision, à la pensée). Le texte passant à l'image nie à la fois les pouvoirs du texte à laisser penser et ceux de l'image à faire voir. On lit entre les lignes, on voit entre les images. Le film illimite le texte et l'image. Spectacle de l'écriture se déployant, écoute de la pensée se formulant, vision du personnage se métamorphosant se superposent au point que le spectateur se met à ne plus voir ni penser et se trouve au plus près d'une expérience d'une autre nature.
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