Outil de recherche scientifique et participation aux logiques de domination
Abstract
Il est intéressant de considérer qu'un urbaniste, c'est-à-dire celui à qui on confie la tâche de dessiner la ville, a largement contribué à diffuser la technique du dessin à main levée dans la communauté scientifique. En pensant proposer un exercice accessible à tous, Kevin Lynch a, semble-t-il, reproduit une manière de penser la ville issue de l'urbanisme, de la géographie et, plus généralement, des sciences sociales qui s'intéressent à l'espace urbain. A partir de cette légitimité technique transformée en méthode de recherche, les chercheurs tendent à rester aveugle aux dominations (re)produites par l'utilisation de l'outil. Cet article éclaire les biais et effets de la technique du dessin à main levée en la comparant à une tâche de modélisation spatiale qui comprend un plateau et huit pièces différentes. L'analyse consiste à vérifier si le jeu de reconstruction spatiale (JRS) permet de dépasser les difficultés de recueil et d'analyse habituellement rencontrées dans l'expression des représentations de l'espace géographique lorsque les groupes sociaux interrogés sont fortement contrastés, notamment en termes de niveau de scolarisation. La comparaison de techniques tend ainsi à indiquer que le dessin à main levée participe de la reproduction et de la validation de connaissances produites par l'état des rapports de domination tels qu'ils structurent l'espace social. Les résultats montrent que les différences entre les groupes s'atténue avec le JRS et, avec le JRS, certains groupes peuvent figurer, exprimer, leur(s) représentation(s) de la ville.