On analyse d'ordinaire le v.sl. protiv " contre " comme un dérivé en *-wo- de *proti. Mais le /i/ long, intoné rude à l'origine, fait préférer une autre analyse, *proti-Hw-o- " qui regarde en face ", d'où " opposé " : il s'agit d'un composé de la racine *Hew- " voir " attestée dans véd. uvé et hitt. uhhi. La même analyse vaut pour v.sl. prav " droit ", qui n'est pas un dérivé de *pro " devant " dans sa variante *proH dont l'existence est douteuse pour l'époque indo-européenne, mais un composé *pro-Hw-o- " qui regarde devant ", d'où " droit ". Cet étymon *pro-Hw-o- peut aussi rendre compte des adverbes grecs pro:i " tôt " (avec désinence refaite) et pro:e:n " récemment, avant-hier ", qui continuent un ancien *pro:wo- < *pro-Hw-o- " qui regarde avant ", " tourné vers avant ", avec le sens temporel de *pro " avant ", alors que le slave continue le sens spatial " devant ". Le même étymon rend compte du v.h.a. fruo " tôt " < *frowan < *pro-Hw-o-, qui est superposable à la forme grecque *pro"w(o)- et continue lui aussi le sens temporel de *pro " avant ". La racine *Heu- " voir " se retrouve en slave dans (j)ave " clairement ", qui est un emprunt à l'iranien (av. a:uui, véd. a:vi‚ < *How-i-s) et non une forme héritée parallèle à la forme indo-iranienne, et dans le substantif v.sl. um " esprit ", lit. aumuo, qui continuent un ancien *Hou-mo- (du type ogmos " sillon " < *h2og-mo-), et les composés *proti-Hw-o- et *pro-Hw-o- attestent un ancien nom-racine. Du fait de l'amuïssement des laryngales, ces formes s'analysent en synchronie comme des dérivés à suffixe *-wo- et non plus comme des composés. Le slave prav ne doit pas être comparé directement avec le latin pra:vus " tordu, de travers ", pour lequel on propose ici une dérivation différente (*prh2-wo- " qui dépasse, qui est devant ", à l'origine de l'ordinal " premier " du véd. pi:rva- et du v.sl. prv : ce qui " dépasse " n'est pas rectiligne).