"La fin est inouïe": l'apocalypse problématique de Fin de Partie de Samuel Beckett - HAL Accéder directement au contenu
Communication dans un congrès Année : 2010

"La fin est inouïe": l'apocalypse problématique de Fin de Partie de Samuel Beckett

Résumé

Les premiers mots prononcés sur la scène de Fin de Partie résonnent comme l'indice d'un bouleversement universel en vertu duquel la fin et le début sont télescopés, l'attente des personnages et des spectateurs neutralisée par la confusion des temps et leur inaction mise en relief par l'exiguïté de l'espace représenté. Lire ou voir jouer Fin de Partie, c'est donc d'abord être frappé par la composante apocalyptique de la pièce, et ce quelle que soit l'approche interprétative privilégiée. Aussi bien le titre de l'œuvre qu'une allusion de Clov au jugement dernier, une autre de Hamm aux temps ressuscités ou bien la thématique cataclysmique qui imprègne le texte de bout en bout semblent annoncer l'imminence de la fin des temps. Sur la scène de Fin de Partie, les différences spécifiques de l'homme dont la tradition philosophique faisait un critère de supériorité et un signe de noblesse sont flétries comme autant de chimères dépourvues de la moindre réalité. La réversibilité de la fin et du commencement que manifeste la construction cyclique de l'œuvre rend la conclusion de la pièce ambiguë et sa dimension apocalyptique problématique. La décomposition cyclique du temps que Beckett orchestre dans Fin de Partie suscite donc des interrogations sur la pertinence d'une lecture ou d'une représentation apocalyptique : sommes-nous en effet fondés à parler d'apocalypse alors même que par une contradiction apparemment insoluble la situation évoquée sur scène est à la fois post-cataclysmique et pré-apocalyptique, que la fin du monde est déjà arrivée et pourtant aussi à venir ? Comment résoudre ce paradoxe alors même que toute dimension eschatologique est absente d'une œuvre où la fin des temps n'est évoquée que sous la forme prospective du temps de la fin ? Que penser enfin de l'absence de révélation du sens de l'expérience mortifiante qui nous est représentée sur fond de crise du langage à raison de laquelle plus rien ne fait signe ou sens, à commencer par le temps dont les signes prophétiques se dérobent à toute compréhension messianique ? Afin d'apporter des éléments de réponse à ces interrogations, on definira dans un premier temps le genre apocalyptique à l'aune duquel il sera possible de qualifier la pièce d'un point de vue eschatologique, avant de s'intéresser au monde dont Beckett donne à voir la fin. Après quoi il conviendra d'examiner dans quelle mesure l'apocalypse problématique de Fin de Partie prend à rebours les thématiques du genre en leur imposant un traitement paradoxal qui semble opérer un renversement du paradigme et se manifeste par l'absence de vision, de symbolisme et de drame. Il s'agira de se demander enfin si le texte ne se prête pas tout compte fait à une lecture inversée de la représentation de la fin en vertu de laquelle la faillite du langage devient un moyen de suggérer en creux un hypothétique renouveau dont le monde en ruine de la pièce serait le signe.
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Dates et versions

halshs-00671820, version 1 (18-02-2012)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00671820 , version 1

Citer

Jean-Marc Chadelat. "La fin est inouïe": l'apocalypse problématique de Fin de Partie de Samuel Beckett. "La fin est inouïe": l'apocalypse problématique de Fin de Partie de Samuel Beckett, Mar 2010, Nancy, France. pp.35-44. ⟨halshs-00671820⟩
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Dernière date de mise à jour le 05/05/2024
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