Le besoin d'évaluer l'effectivité et la pertinence de l'offre publique explique l'institutionnalisation en cours de la question du non-recours aux droits et services. Les instruments mis en œuvre pour identifier et mesurer ce phénomène conduit à le construire comme catégorie d'action. Cette construction par des instruments de connaissance procède de logiques différentes selon les acteurs. Pour les politiques sociales particulièrement sollicitées par la question (quel que soit le pays), une approche économétrique développée par les acteurs administratifs des systèmes de la protection sociale se différencie d'une approche compréhensive favorisée par les acteurs politiques locaux de l'action sociale. Le travail de catégorisation du non-recours prend alors des sens différents : dans certains cas, il cherche à améliorer le modèle de politique publique existant ; dans d'autres, il tend à le transformer. Cette construction est d'autant plus remarquable qu'à l'inverse, d'autres instruments, en particulier budgétaires et comptables, occultent le phénomène et empêchent sa catégorisation et sa publicisation. Le caractère discret et souterrain des instruments budgétaires et comptables et leur mise en jeu complexe de technicisation-dépolitisation se déploient et développent des logiques d'invisibilisation et d'opacité du non-recours. La construction du non-recours paraît donc paradoxale et rend compte de l'affrontement entre impératifs de solidarité sociale et de contrainte ou rigueur budgétaire. L'objectif des auteurs est d'introduire la question encore mal connue du non-recours. Leur présentation porte sur sa fabrication actuelle par différents acteurs de politiques publiques en France (organismes sociaux, collectivités territoriales, établissements publics, ...). Elle synthétise leurs travaux et ceux des réseaux scientifiques auxquels ils participent, dans le but d'expliquer : les logiques à l'œuvre selon les types d'acteurs ; les effets en termes de catégorisation du non-recours au regard du rapport induit avec les destinataires des politiques ; et les conséquences en termes de modèles de politique publique dans la mesure où notamment on peut reconnaître par endroits une opposition entre welfarism et post-welfarism. Mais au-delà, les deux co-auteurs s'interrogent à partir des savoirs accumulés sur la question - en France ou à l'étranger - sur ce qui fait que, par le recours à des instruments de pilotage des politiques publiques, la question est parfois mise en avant ou bien occultée. Cette présentation cherche ainsi à introduire le débat sur les conflits et les effets des instruments dans la construction des catégories d'action.